Event n°1 spécial Pâques 2021 ▬ Ouvert à tous [FINI]

Wave ne sentait pas acteur du monde, ni acteur dans la compétition de Wammy's House, non, la case qui était parfaite pour lui était celle de ....l'observateur, du critique ou du commentateur. Et Dieu que ça lui plaisait. Il se disputait même parfois avec l'équipe pédagogique de l'orphelinat car son refus systématique de participer aux épreuves et festivités avait tendance à agacer à la longue. Oh mais le sénégalais ne comprenait pas ces réactions, car les épreuves de la Wammy's House, il n'en ratait pas une miette. A défaut d'y participer, il faisait systématiquement acte de présence. Et quelle présence!

Il s'était levé extrêmement tôt ce matin là car il savait qu'il avait du pain sur la planche. Il avait sorti sa casquette de reporter, ses lunettes de soleil et son équipement pour les longs reportages. Cela comprenait : son appareil photo-caméra accroché en bandoulière à son cou, un bloc-note, un stylo, un deuxième stylo au cas où le premier l'abandonnerait, et un troisième stylo au cas où le second l'abandonnerait également. Il avait bien évidemment son micro portant le logo "WN" et son enregistreur qui avait pour mission d'immortaliser les conversations qu'il pourrait avoir. Floyd lui avait un jour bricolé un objectif extensible pour son appareil photo qui lui faisait parfois office de jumelles (pour espionner sur de longues distances), bref il était paré et il comptait bien sortir un article sur la chasse aux oeufs de Pâques.
Arrivé sur place il tenta d'interviewer Roger, son micro pointé vers le vieux directeur et commença à l'abreuver de questions.

Wave : Bonjour m'sieur Roger, si vous avez 5 minutes à accorder à la presse j'aurais voulu vous poser quelques questions, selon vous est-ce qu'utiliser les traditions culturelles  comme épreuves visant à l'amélioration des compétences de vos élèves n'est pas une forme de capitalisation de leur "temps libre"?

Roger : ....je ne fais que suivre la direction pédagogique que nous avons mise en place.

Wave : Oui je vois, il est vrai que la Wammy's House s'est toujours revendiqué d'une pédagogie révolutionnaire et philantrophe, considérez-vous que cela rentre dans le cadre que la direction a voulu imposer ? Avez-vous participé à la mise en place de cet évènement ? Dans quelle mesure nos professeurs sont-ils impliqués dans la création de ces épreuves ? Ont-ils leur mot à dire ou l'ont-ils découvert en même temps que leurs élèves ? Les élèves qui ne participent pas sont-ils pénalisés dans la compétition pour succéder à L ? Dans quelle mesure? Hey m'sieur Roger pourquoi vous partez si vite ? J'ai encore des questions ! M'sieur Roger !!

Roger : Plus tard, je suis occupé avec l'organisation Wave!!!

Le directeur avait déjà tourné les talons pour éviter cet orphelin qui décidément semblait lui poser trop de questions. Bon. Wave appuya sur le bouton pause de son enregistreur, pour l'instant il était bredouille de sa chasse aux informations.

Après plusieurs dizaines de minutes à poser des questions, discuter avec les orphelins et les adultes qui s'étaient rassemblés pour l'évènement il semblait que le départ allait être lancé. Wave avait eu le temps de griffoner deux trois phrases sur son carnet concernant l'ambiance et de l'évènement : "festif" "plaintes de Quetzal oeufs non vegan, avait déjà alerté la direction mais pas de réponse" "orphelin invente détecteur chocolat, interdit de la compétition" "Abbey contente beau temps sinon trop de boue orphelinat" et encore d'autres remarques qu'il mettrait, ou non, dans la Wammy's News.

C'est alors que Roger prononca son petit discours - que Wave prit soin d'enregistrer bien évidement - avant de lancer officiellement le départ de la chasse aux oeufs. Des dizaines d'orphelins de tout âge se mirent soudain à bondir, certains partaient au pas de course, d'autres prenaient leur temps. Wave tentait de ne pas perdre une miette de ce qui allait se passer mais c'était bien évidemment compliqué de suivre tous les orphelins qui s'étaient dispersés aux quatre coins du jardin. Il décida d'allumer sa caméra et la placer sur son épaule - sur son socle attaché - qui filmerait tout ce qu'il n'aurait pas le temps de voir, tout du moins ce qui se passerait devant lui.
Il déambulait, essaya de parler à quelques orphelins mais ils étaient décidément trop occupés avec la chasse. C'est alors qu'il aperçu Tempest près de la fontaine qui tentait visiblement d'aller attraper un oeuf....oh il n'était pas près de la fontaine mais les pieds dans la fontaine, et soudain...carrément dans la fontaine.

Wave : !

Tempest : PUTAIN DE MERDE !

Oui. La caméra de Wave avait tout enregistré, dans les moindre détails, l'intention, le climax, et la chute. C'était...c'était triste mais également une belle info pour le journal ! Wave s'approcha aussi vite qu'il le put, essayant d'obtenir un bon angle pour la caméra avant d'appuyer sur le bouton pour prendre une photo avant de s'approcher plus près du pauvre Tempest trempé de la tête aux pieds. Wave était surexcité mais choqué à la fois, il criait presque.

Wave : Je viens d'être témoin d'un terrible accident, un orphelin vient de glisser et tomber dans l'eau de la fontaine !! Nous sommes en mesure de déterminer l'identité de l'individu, il s'agit de Tempest ! Roger était-il au courant que placer un oeuf dans la fontaine mettrait en danger les orphelins? Y a t-il des oeufs dans des endroits encore plus difficiles d'accès ? Qui sera en cause si la chasse aux oeufs provoque des blessés ou même des décès ? Y aura t-il justice ???? C'est absolument choquant, les épreuves dangereuses ne sont t-elles pas réservées aux shapes? La compétition en est-elle réduite à la loi du plus fort ? Tempest, quelle est votre impression ? Pensez-vous être blessé ?

Et le journaliste dirigea son micro vers Tempest, sans l'aider à se relever, car oui, Wave était spectateur et jamais acteur et méritait probablement d'être jeté dans la fontaine ! Mais intervenir n'était-ce pas influencer les évènements qu'il brûlait de raconter?

A vrai dire le but de Wave n'est absolument pas de ridiculiser Tempest, on pourrait croire que le journaliste n'aurait qu'une idée en tête, utiliser cette vidéo contre lui, ou bien simplement faire mieux vendre son journal mais ça serait bien mal connaître le garçon. Simplement pour toute information visant à améliorer les conditions à Wammy's House et bien il faut des preuves, pas de preuves pas d'article, pas d'article...pas d'article.

C'est alors que l'expression sur le visage de l'autre word change et qu'il semble véritablement en souffrance, Wave est certes avide d'informations mais il n'est pas sans coeur non plus. Que Tempest fasse un jeu d'acteur ou non, il ne peut pas rester là sans rien faire à le filmer dans l'eau. Wave hausse les sourcils en voyant son pauvre collègue souffrir de la sorte, il semble assez choqué et sincèrement inquiet pour Tempest.

Tempest : Je... je ne pensais pas que je me ferais aussi mal en tombant ha ha...

L'adolescent sourit courageusement et une petite larme coule le long de sa joue, cela suffit à faire partir Wave en vrille, il pose son micro dans l'herbe et s'approche rapidement du blessé pour l'aider à se relever.

Wave : Dude, on aurait dit un cascadeur je te jure, attends viens on va te sortir de là, attrape ma main, ça va tu t'en sors?? Ah t'as de la vase là, ils récurent jamais leur fontaine ? On dirait que ça date de y'a 200 ans hahaha

Wave le tient fermement pour l'aider à s'extirper de la fontaine et ose un petit rire à son costume pour détendre l'atmosphère, retirant un morceau de vase de la manche de Tempest. Ce dernier finit par pouvoir poser les deux pieds sur la terre, nettement plus stable que les pierres glissantes de la fontaine. Wave lâche Tempest, le laissant retirer son gilet et se débarbouiller, se frottant le cou avec sa main d'un air désolé pour lui.

Tempest : Pour te répondre, Wave

Wave se saisit immédiatement de son micro qui était resté sur le sol et le tend vers la bouche de Tempest.

Tempest : je ne m'attendais pas à tomber tête la première dans la fontaine pour Pâques. Et si les oeufs sont tous aussi difficiles d'accès, cela constitue un avantage non-négligeable pour les Shapes... Est-ce que la direction essaye d'avantager les Shapes ? Car les activités physiques restent leur domaine ! Si la chasse aux oeufs n'est basée que sur un critère de localisation spatiale et dans des endroits difficiles d'accès comme tu le dis, alors effectivement les autres groupes sont désavantagés !! Je ne veux évidemment incriminer personne, mais c'est une question qu'il faut se poser, dans un orphelinat qui prône la valorisation de tous les types d'intelligence...

Si vous voulez changer de sujet, donnez un scoop à Wave, préférablement un scoop sur les injustices, vous serez sûr de le lancer sur une autre direction. Wave n'avait pas perdu une miette du discours de Tempest et hochait la tête d'un air effréné.

Wave : Mais oui !! D'ailleurs c'est pas la première fois, tu te souviens de leur délire là où ils voulaient nous mettre en situation sur une île déserte ? Franchement on sait plus si on est censés devenir détectives ou militaires !! C'est scandaleux je trouve, en tout cas ça ne va pas en rester là, l'accident est arrivé et je vais faire éclater la vérité au grand jour. Merci pour ton témoignage !!

Wave sourit, visiblement content de lui. Puis son sourire s'efface d'un coup. Le beau visage trempé de Tempest semble de nouveau traversé par la douleur.

Tempest : Je... je pense que je vais devoir rentrer et passer par l'infirmerie. De toute façon, je ne vais pas aller loin comme ça. Et toi Wave, tu te contentes de couvrir l'évènement ?

Wave : Tu devrais y aller, tu n'as pas l'air en point franchement. Attends je vais chercher Abbey pour qu'elle t'amène à l'infirmerie !!

Le sénégalais pose son équipement à terre puis retire son pull rapidement afin de le passer sur les épaules de Tempest, espérant que cela lui tiendra chaud jusqu'à ce qu'il arrive à l'infirmerie. Il ramasse son équipement, l'attache et se dirige vers les surveillants et la vieille gouvernante près de l'entrée de Wammy's House, leur indiquant la direction où se trouve Tempest. Il a au moins pu l'aider un petit peu. Mais maintenant Wave en est certain, si il a pu aussi facilement assister à un drame et bien c'est que d'autres drames se préparent !! le regard perdu dans le jardin à observer les orphelins cherchant les oeufs, Wave ne remarque pas qu'il n'est pas seul devant la porte principale de Wammy's House. C'est lorsqu'une feuille morte posée sur la deuxième marche de l'escalier crisse sous les pas de quelqu'un qui se trouve juste à côté de lui que Wave se retourne subitement avant de découvrir Near qui semble bien déterminé à sortir dehors. Wave allume immédiatement sa caméra, court vers l'entrée et brandit son micro vers l'enfant.

Wave : Bonjour Near, auriez-vous deux minutes à consacrer au journal de la Wammy's News ? Participez-vous à la chasse aux oeufs de Pâques cette année ? Avez-vous déjà trouvé des oeufs ? Vous qui êtes le premier successeur potentiel pouvons-nous vous demander : Quel est votre secret ? Comment faites-vous pour arriver à bout de toutes ces épreuves ? Pensez-vous que trouver des oeufs de Pâques peut quantifier l'intelligence d'un individu et sa capacité à résoudre des crimes ? N'est ce pas avantager les shapes que nous faire tous courir dehors le plus vite possible ? N'est ce pas avantager spécifiquement Mello qui possède un flair particulièrement développé pour trouver du chocolat ?

Je n'aime pas cette période.
Je n'aime pas voir les gens s'agiter autour de moi.
Je n'aime pas Pâques.

Pas parce qu'un Shape a osé me bousculer -même si ce pauvre ère l'a amèrement regretté parce que bon, la vengeance est un plat qui se mange froid-, mais parce que ça crie trop. Ca bouge trop. Ca manque de charisme et ça chasse trop pour du chocolat accessible toute l'année alors qu'on sait TOUS que les Shapes sont clairement avantagés..

Ahhh, tant d'enthousiasme, qui va crever dans l'œuf dès le lendemain sitôt qu'on décrètera que partager sa barre de chocolat sera un acte désuet, criminel et privé. Alors oui, je me plains. Ce genre d'efforts, ils pourraient le faire pour l'une de mes représentations plutôt que de gaspiller toute cette énergie inutilement, non ?

Non?

Bon sang, je suis pire qu'une Abbey mal-léchée présentement, j'ai besoin de reprendre des bonnes ondes...Mais bon, le bon sens, le bon sens... Ca en manque cruellement à la WH. Vous savez, les génies c'est pas vraiment très logiques, dans le fond. J'ai arrêté de chercher, en tout cas...

A bonne distance, j'observe de loin ces petites âmes furieuses chercher désespérément leurs faux œufs ,et suer sang et eau pour dénicher le sacro-saint chocolat du Lapin.

Et moi, dans cette histoire ?

Moi, je ne me fais pas autant chier. Vous connaissez l'adage "c'est pas l'homme qui prend la mer, c'est la mer qui prend l'homme ?". Bah, ma version c'est un peu pareil. C'est moi qui prend l'oeuf, et non l'oeuf qui me fait vadrouiller dans tout l'orphelinat.

Et alors, cette chasse, du coup ?
Eh bien, j'ai tout mon temps mon coco!

La porte trop lourde de l'orphelinat me rappelle qu'il faut croquer l'instant présent à pleine dent, et laisser la nature faire. Alors je m'aère l'esprit, loin de tout ça, loin des sourires et des pleurs. Arrivée au fond du jardin, la sérénité m'accueille et petit à petit, mon esprit s'apaise. Avec paresse, mes bras s'étendent pour réchauffer mes muscles endormis. La pause clope, ce n'est clairement pas mon dada en solo, mais ça me détend occasionnellement. D'une main, je m'empare de mon zippo et cigarette à la bouche, j'en allume le bout de sa petite flamme crépitante. Les braises fumantes et la cendre me font sourire. La buée s'envole et je comprends tout de suite mieux ce que je ressens.

J'ai un souci majeur actuellement. Aujourd'hui, je ne trouve pas Arsène. Je ne peux donc rien partager sans passer pour une conne et je pourrais déprimer à tout moment...

Bref, c'est la loose. Mais j'ai pas le temps d'y songer que je bug sur un chapeau rouge et poisseux en face du potager.

Et...C'est quoi ça ?

Je cligne des yeux, continue d'observer la statuette de mauvais goût placée sur l'allée, près du jardin. Plus par incertitude que par réelle curiosité, je m'approche à petit pas, comme on s'approche d'un corps humain et d'une scène de crime. J'ai peur...

Putain ,que ce nain boueux est laid...Mais quel genre de jardinier pose ce genre de décorations, même dans un orphelinat glauque et pleins de gosses au moins aussi sinistres que la bâtisse en question ?

Et pourtant, ça fait un taff monstre niveau inspiration. Je crois que des tonnes d'idées pétillent dans ma tête. Elles fourmillent, même ! Un sourire étire mes lèvres. Voilà, je suis comme une gamine qui vient de trouver sa nouvelle friandise. Après coup, je me dis qu'il peut bien me servir, ce nain. Un jour. Pour la bonne cause. Pour les études d'Arsène, aussi. Parce qu'avec son sourire flippant et ses joues pleines et trop rouges, j'ai trouvé le nouveau CA de la Wammy House ! La nouvelle tête de cheval du Parrain ! Un truc à poser au chevet ou dans le lit d'une meuf durant la nuit. Imaginez-là, se réveiller la tête dans le cul avec...

Alors, mon petit bonhomme?
Qu'est-ce qu'il y a ?
Tu me cherches ?

Maman Dainty a plein de projets pour toi ! Et tu vas jouer un grand rôle...

Perceval avait toujours une certaine appréhension à toute festivité. Parce que bien souvent, Halloween, Noël ou Pâques avaient un petit goût de malchance. Soit on lui faisait des farces soit on lui volait ses bonbons ou chocolats durement gagnés soit sa maladresse légendaire venait se rappeler à lui dans une chute malencontreuse (adieu les bonbons d'Halloween d'octobre dernier), une étourderie (ces œufs de la course de Pâques il y a trois ans mystérieusement disparus), une pure déveine (la course de Pâques y a deux ans un pur chou blanc à entrer dans la cantine les poches vides) quand ce n'était pas son cœur tendre qui parlait (Indiana avait eu tous ses chocolats avec Osm l'année dernière...mais comment résister à sa moue et aussi les décibels criards de sa voix ?).

Au moins, le harcèlement de ses jeunes années dans le premier orphelinat l'ayant accueilli (merci encore Howard pour avoir pris sa tête pour une balle de baseball, Perceval était depuis persuadé que son crâne n'avait plus la même forme) était loin derrière lui. Même End semblait s'être calmé depuis quelques temps, Perceval pouvait donc espérer ne subir nul vol ou triste infortune dû à la cruauté d'un orphelin ou de son propre karma.

Car aujourd'hui,

pour la première fois depuis qu'il était à la noble institution de la Wammy's House,

lui,

Perceval,

arriverait enfin à gagner la grande course aux œufs de Pâques.

Foi de Geoffroy Chaucer !

Et c'était donc sur cette grande résolution que Perceval c'était lancé le cœur plein d'espoir dans la recherche frénétique des œufs en chocolat. Las, la matinée passait mais pas le moindre papier brillant ou ruban coloré perçu entre les hautes herbes et bosquets du jardin. Déjà plusieurs têtes blondes hurlaient et piaillaient, dressant haut leur butin, mais pour Perceval seulement des pâquerettes et un petit gendarme courant sur son doigt. De toute façon la chance même à Donjon et Dragon était toujours son pire cauchemar.

D'un soupir, le Word relativisa sa déconvenue. Au fond il lui restait un peu de temps pour ne pas rentrer complètement bredouille, même si gagnait serait une bien plus belle récompense en cinq ans de séjour entre les murs de l'orphelinat. Il se dirigea vers l'échiquier extérieur, fouillant entre Cavalier et Reine.

Soudain un cri gonfla sa poitrine de l'espoir de celui qui réussit un essai critique aux dés.

Sous la bâche du potager

Que vois-je ?

La Poule imaginaire a chié trois œufs sous le Nain de Jardin ! Rien que ça !

Fière de ma victoire, j'esquisse un sourire mutin. J'ai pas sué, j'ai trouvé une idée d'enfer -dans tous les sens du terme- et j'ai pu prendre ma pause clope. Si ça, c'est pas savoir jouer le jeu ! C'est qu'on s'y prendrait bien, à cette chasse aux œufs, au final !

Mais reconnectons nos neurones deux minutes : je vais reposer ce nain. Je reviendrai plus tard le prendre : j'ai changé d'avis. Ou plutôt, le Destin M'A fait changé d'avis. Je vais continuer ce truc de Pâques, pour le plaisir de voir les mines tomber sur les visages des p'tits orphelins !

Allez, encore quelques petites minutes, et JE serais dans la place. Et JE serais le loup à éviter, la chevelure de blé ou la crinière de lionne face à qui on tourne les talons ; la personne qui, dans le fond, honore sa réputation. Tout le monde le sait, et tout le réprime : un peu de piment, un peu d'enjeu dans ce jeu ! Il est vrai qu'on m'a régulièrement demandé comment j'arrivais, chaque année, à avoir un quota d'œufs plutôt décent malgré ma mauvaise volonté...


Réponse un peu vaseuse, certes, mais il faut bien trouver une raison. Et me voilà à tirer une fois de plus sur ma clope. Puis deux. Puis trois. Là encore, je prends tout mon temps, par pure stratégie. Plus je patiente, et plus mes concurrents ont récolté d'œufs. La rentabilité et ses ratios, c'est important de les respecter. En avril, le potager est chargé de petites pousses et ils me tardent d'en voir les fruits à récolter. Avec Swan, quand on se promène dans le potager, on s'amuse de temps à temps à avaler tout rond les fraises qu'on subtilise de nos gracieux doigts de poétesses.


C'est ce que je lui ai affirmé. Alors, je me dis que ça lui plairait bien, de se réessayer à l'exercice...

Bah ! Ne me jugez pas...C'est la saison.


Et malheureusement, je sens que les secondes de plaisir s'écoulent, au moins autant que ma cigarette devenue trop courtes entre mes doigts. Je viens de la terminer, et j'en suis déjà malheureuse ! Machinalement, je jette ma cigarette au sol, sur la terrasse. Roger et les gouvernants se plaignent souvent de ramasser des mégots à cet endroit et je compatis silencieusement. S'ils savaient ! Mais j'ai mes raisons : je préfère le faire là que foutre le feu au potager...

En silence, sans dire mots, mes jambes dérobent le chemin menant au potager. En moi, je sentirais l'insatisfaction monter si je ne prenais pas la peine de regarder sous cette bâche que je dévore du regard. Par chance, j'ai des talons plutôt raisonnables, aujourd'hui.

Suffisamment pour m'approcher du potager, avec grâce. Toujours.
Suffisamment pour saisir délicatement la bâche -objet de convoitise sous laquelle j'imaginais déjà un tas de truc-...Pour finalement l'enlever aussi sèchement qu'un pansement !

Repérage. Et qui sait, la poulette me donnera p'tet aussi des yeux. Elle a l'air d'aimer le jardin.

Ça fait maintenant deux ans que, chaque année, Mello déclare à qui veut bien l'entendre – Matt, majoritairement – qu'il ne participera pas à la chasse aux œufs organisée par l'orphelinat. Il s'agit d'une activité futile et puérile, premièrement – et puis surtout, les œufs sont, pour la plus grande partie d'entre eux, faits de chocolat au lait ; et s'il peut tolérer occasionnellement cette douceur laiteuse qui étouffe l'amertume du cacao, il ne voit pas tellement l'intérêt de débusquer par dizaines des chocolats qu'il ne mangera probablement pas. (L'année dernière, il a fini par céder une partie de son butin à Matt ainsi qu'à Ginger, et le reste lui a été confisqué lorsque, dans un moment d'ennui, il s'est servi de ses œufs comme de projectiles à jeter entre les yeux de Near.)

Alors quand le jeune garçon quitte la bibliothèque pour descendre aux jardins, vêtu d'un jean skinny et d'un tee-shirt dont il a noué le bas afin de le raccourcir, il n'a pas. du. tout l'intention de se livrer à ces conneries.

Sauf qu'il voit, au loin, Near. Déposer un nombre impressionnant d'œufs dans un panier.

Aussitôt l'orgueil de Mello pousse un furieux rugissement. Laisser Near gagner la chasse aux œufs ?
Jamais. Jamais jamais jamais.

Il accélère instinctivement (inconsciemment) le pas tandis que ses yeux perçants balayent les alentours avec la concentration sanguinaire du fauve qui cherche sa future proie. (En arrière-fond de son crâne, il y a évidemment cette petite voix qui l'encourage à tout simplement délester Near de ses œufs – qu'il ignore dans un rare instant de vaniteuse sagesse, se demandant quel honneur il y aurait à récolter les fruits d'un travail qui ne serait pas le sien.)

Il ne s'arrête qu'une fois arrivé au potager de Mhing. C'est ici que ses recherches se concentreront, au moins dans un premier temps – d'expérience, il sait qu'il vaut mieux se restreindre à un périmètre stratégiquement délimité afin de trouver le plus d’œufs possibles en un minimum de temps.

« Dis donc Near, lance-t-il railleusement à l'adresse de ce dernier, à une dizaine de mètres de lui, tu crois pas que t'as passé l'âge de chercher des œufs ? »

Sans attendre de réponse, il fait volte-face et s'emploie à examiner minutieusement les rangées de fraises, concombres, pommes de terre... Le blond laisse échapper un « Ha ! » triomphal tandis qu'il plonge la main parmi les laitues.

C'est le regard brillant et avec un sourire tremblant d'une émotion entre la surprise et le soulagement que Perceval admire son butin. Ce n'est pas un succès critique mais ça annonce peut-être son début de fortune.

Deux œufs. C'est peu mais déjà beaucoup. Et comme le dit l'adage, jamais deux sans trois. De suite, Perceval se redresse et part chercher avec plus de frénésie et un rien de désordre une possible cachette. Il embrasse du regard et fouille des mains un bosquet de roses et les racines d'un chêne près de l'échiquier et non loin de l'aire de jeux. Nulle trace de chocolats.

Loin de s'avouer vaincu, le garçon part dans sa quête, le cœur toujours plus gonflé d'allégresse. Peut-être que son prochain trésor sera à la serre ou dans le potager ? Il serait près à grimper la colline du kiosque romantique si cela lui offrait l'ombre d'une victoire. D'un pas leste, il amorce une course et -

crac.

Une chuintement sous sa semelle l'immobilise. Il déglutit nerveusement, baisse le regard sur le tas de feuilles mortes où il peut déceler un papier brillant.

Les lèvres de Mello s'ourlent en un mince sourire de satisfaction alors qu'il saisit un seau traînant par là afin d'y entreposer ces trois premiers œufs. Voilà un commencement digne de lui, et de sa virtuosité. Il s'affaire à inspecter davantage les fruits et légumes alignés en rangs bien ordonnés puis, déterminant qu'il ne trouvera là rien de plus, il se redresse et parcourt son entourage immédiat d'un œil rapide. Il fait confiance à cette intuition naturelle, viscérale, qui oppose son génie à celui de Near.

Et, effectivement, dès qu'il aperçoit cette paire de bottes, abandonnée non loin de quelques plantes empotées, quelque chose d'indescriptible – comme un murmure, un frisson sourd qui lui remonte du fond des tripes, jusqu'au cerveau – l'incite à attraper une chaussure, puis l'autre, pour y enfoncer la main. Ils n'ont pourtant rien de spécial, ces godillots boueux, faits d'un caoutchouc usé... mais justement. A chaque fois il tâtonne jusqu'au bout, avec une grimace de dégoût. Après tout, qui, vraiment, a envie de fouiller les godasses du vieux Mhing ? Oh bordel, qu'est-ce que l'éternel second ne ferait pas pour vaincre son pire (son meilleur ?) rival...

Sa moue s'efface cependant, laissant place à un air victorieux. Ses doigts, logés au fin fond de la botte, grappillent cette récompense dûment méritée avec une impatience avide.