true color - spray

Monde aux multiples chromatiques dont elle est le centre, sa chevelure en est la preuve; le blanc, nuance possédant toutes les nuances du spectre visible. Couleur fictive qu'elle se fait régulièrement pour maintenir des mèches enneigées s'accordant parfaitement à son style habituellement noir et blanc contrastant complètement avec ses peintures colorées. Elle n'est pas gothique bien que ses vêtements puissent laisser penser le contraire : elle n'est pas une toile et ne ressent pas le besoin d'exprimer ses pensées grâce à divers ton. Elle est humaine, ses expressions et ses paroles suffisent à traduire ses émotions. Elle n'est pas du genre à les dissimuler de toute façon. Néanmoins il n'est pas rare de trouver des gouttes colorées sur elle.

Elle a l'habitude d'être salie par son art et n'a absolument pas honte de se ramener en cours complètement recouverte de bleu, de vert, d'orange et de violet. Que ce soit sur les vêtements ou même le visage. L'avis des autres vis-à-vis d'elle ne l'importe guère. La plupart des plus grands artistes moderne et contemporains étaient critiqués voir insultés par leurs semblables, Spray ne faisant probablement pas exception à la règle.
Demoiselle avoisinant les 1m70, une carrure légèrement musclée témoignant de ses nombreuses heures passées à escalader tous les bâtiments possible pour trouver le meilleur spot à taguer. Si sa carrière d'artiste échouait malencontreusement, elle se reconvertirait probablement là-dedans grâce à l'expérience acquise au fil du temps.

Spray est cet électron libre sauvage et indomptable qui fait vibrer son entourage. Fougue dans son regard, braises inextinguibles dont elle seule connaît le secret, impossible de l'arrêter. Personne ne peut empêcher un oiseau de s'envoler. Car même sans ses ailes, elle s'élancerait dans le vide sans y repenser. Casse-cou confirmée, elle joue avec sa propre vie au nom de l'Art et il n'est pas rare de la voir marcher sur les rambardes ou même sur la bordure des toits en quête d'inspiration. Peur de rien, peur de personne, la seule limite dans sa vie est le ciel. Et encore. Taguer la lune pourrait être amusant.

La vie vaut la peine d'être vécue et surtout à son maximum d'après elle. Quel est l'intérêt de se cantonner à un bureau pendant quarante années pour après ne plus pouvoir rien faire derrière mis à part se plaindre d'un mal de dos ? Non, Spray veut voyager, visiter des lieux magnifiques, entendre les meilleurs critiques discuter de ses peintures et juste être heureuse. L'alcool lui plaît et lui permet d'explorer son esprit jusqu'en ses coins les plus reculés. Elle ne fume pas, du moins pas régulièrement, mais a déjà essayé en soirée. Spray n'est pas l'élève idéale, souvent dissipée et plus occupée à dessiner dans ses cahiers qu'à écouter mais elle possède une excellente mémoire photographique; elle est capable de reproduire de tête une oeuvre d'art. Son petit plus à elle, quoi.

Pigments colorés qui se diffusaient sur cette toile illégale, doux parfums chimique qui emplissait ses narines dépourvues du moindre masque. Lippes arquées, rire qui parfois résonnait dans ce lieu soi-disant hanté, abandonné. Oreilles dissimulées derrière la capuche de son long sweat-shirt tacheté par les giclées de couleurs, ces mêmes orifices étaient obstrués par deux écouteurs au volume indécents. De quoi rendre sourd quiconque s'approcherait à moins de dix mètres d'elle en somme. Rafales musicales déchaînées, du rock, du métal, du rap aux paroles insensées qui faisaient vibrer son âme. Corps danseur, corps en mouvement qui s'agrippait fermement aux bombes de peinture entre ses phalanges. Expression de son fort-intérieur qui se matérialisait aux yeux du monde entier, mur qu'elle taguait avec une passion frôlant l'obsession. Mouvements rapides et entraînés, une chorégraphie dont elle seule connaissait les secrets. Au-loin, les astres nocturnes la surplombaient; les uniques témoins de son acte effectué en toute clandestinité. Minuit allait bientôt sonner et la voilà encore en liberté, en train de finaliser son oeuvre. Elle pouvait déjà entendre les sermons de Roger et des autres pions mais l'euphorie que lui procurait ces maigres instants à produire sa fresque valait complètement le coup.
De quoi oublier d'où elle venait.
Comme si elle s'en souvenait.
Sheryl "Spray" Flynt, orpheline de 18 ans qui jouait avec les limites de sa vie depuis tant d'années maintenant. La sienne n'avait pourtant pas été extrêmement joyeuse. Sans parents comme tous les présents au sein de la Wammy's House, elle avait plus jeune enchaîné les différentes maisons d'accueils sans succès. Son problème, sa manie de disparaître dans la nature et d'ignorer ses impératifs, quels qu'ils soient. Couvre-feu ? Ignoré. Messe du dimanche ? Oubliée. Génie pictural impossible à brider, elle n'avait jamais cessé de pratiquer son art et ce peu importe l'endroit. Les murs de ses différentes chambres à travers les années, les véhicules stationnés depuis un peu trop longtemps, ses propres vêtements et même sa peau. Tatouage effectué en solitaire complètement foiré, son avant-bras gauche complètement saboté à l'encre noire. Mais elle s'en fichait. Elle avait fini par comprendre, grâce à cette expérience, que ses tableaux devaient être gigantesques et ne devaient pas se limiter à quelques centimètres. Avec le temps, à ses 14 ans précisément, elle eut la chance de rejoindre cet orphelinat pour enfants apparemment de génie après avoir passé un test plutôt étrange qui touchait son domaine favori : l'art. Néanmoins, elle ne se considérait pas comme l'une de ces personnes surdouées : elle n'était qu'une simple esclave de sa créativité débordante, elle était l'outil du peintre qu'était son esprit.
Son pinceau.
Rien de plus.
Pas en arrière, elle recula suffisamment pour pouvoir voir son oeuvre dans son intégralité et le prendre en photo avec son téléphone. Une jeune fille solitaire sous la pluie, en train de danser, entourée d'une aura presque magique. Vêtements légers pour lui permettre de mieux s'envoler. Une liberté dont elle rêvait. Armes du crime rangés dans son sac à dos aussi sale qu'elle, la gamine changea la musique que gerbait ses écouteurs avant de se rapprocher de la gouttière qui lui avait permis de grimper aussi haut. Parkour risqué, elle se souvenait d'être déjà tombée de nombreuses fois depuis des toits et autres structures en hauteur. Bras et jambes cassées, son épiderme était lui aussi une peinture inachevée qui racontait les différents périples vécus dans sa vie. Dure la vie d'artiste. Encore plus celle de ceux de rue. Et faire le mur pour peindre illégalement les murs de Winchester n'allait pas l'aider. Elle se demandait : est-ce que Roger l'attendait au portail les bras croisés ou avec les poings sur les hanches ? Pari adressé à elle-même, elle misa sur la seconde option juste avant d'enfin toucher le sol. Puis elle courut, en direction de la maison. En rigolant. Fort.