Il faut sauver le soldat Spray ▬ Pure & Spray

La ballerine grommela entre ses dents alors qu'elle composait encore une fois le numéro de portable de sa colocataire. La tonalité résonna dans le vide. Elle jeta un regard à son réveil dont les chiffres orangeaient d'un 01h13 la chambre.

Impossible de tenter de s'endormir maintenant. Lèvres pincées, Ginger imagina sa mine dans quelques heures au contrôle de Critias. Le scénario qu'elle avait absolument cherché à éviter en se couchant tôt..si elle n'avait pas eu les messages de Spray. Un instant, elle se demanda si elle ne devait pas éteindre son portable et grappiller la moindre minute de sommeil qui lui restait pour espérer avoir une note à deux chiffres. Ce n'était pas la première fois que Spray découchait et rentrait à pas d'heure. Combien de fois l'avait-elle vue s'étaler sur son lit alors qu'elle achevait son chignon pour partir répéter ?

Pourtant. Pourtant une inquiétude demeurait. L'impression que cette fois, Spray s'était vraiment bien perdue dans un recoin de la campagne ou au fond d'un fossé ivre morte. Et cette histoire de chats géants.

Non. Quelque chose n'allait pas.

Sans un bruit - l'habitude des pointes - Ginger rejoignit le lit de Pure et secoua doucement sa meilleure amie en chuchotant :

— Pure ! Réveille-toi. Je crois que Spray est vraiment dans un sale pétrin.

Et elle lui agita le portable sous les yeux, messages sous le nez, plusieurs arguments énoncés pour convaincre l'Alter de sortir de son lit et la suivre dans son projet fou.

Faire le mur pour retrouver Spray.

Impossible de distinguer Pure sous son épaisse couette lestée. Ses draps noirs fraîchement changés sont son sanctuaire. Ginger et même Spray, malgré ses frasques nocturnes, avaient compris que c'était bien le seul moment où il ne fallait pas la déranger.

Elle avait accomplit ses soins The Ordinary avec un sérieux rituel, avait revêtu son pyjama de coton et s'était glissée sous la couette, après un bonne nuit love déjà bien endormi à Ginger. Son masque de sommeil en soie parfaitement rabattu sur ses paupières closes, elle avait toutefois mis plusieurs heures à s'endormir pour de bon, sa pensée intarissable chassant involontairement le sommeil. Comme d'habitude.

Pure sursaute à peine Ginger l'effleure, dans un grognement fort peu élégant, sa main s'aplatissant sur son propre visage pour retirer le masque. Aussitôt, la danseuse lui met sous le nez son téléphone portable.

Aveuglée, elle gémit longuement, rabattant brusquement la couette par dessus sa tête parfaitement décoiffée. La jeune fille avait été complètement incapable de déchiffrer les messages de Spray, et son cerveau embrumé met de longues minutes à saisir ce que lui raconte sa meilleure amie.

Elle grogne encore, les yeux si bouffis qu'ils en paraissent clos, enfile un jean et des Doc Martens dans un état second, garde son haut de pyjama qui pourrait passer pour une chemisette d'été si elle n'était pas ornée de petites lunes souriantes.

– Je vais la tuer, répète-t-elle pour la énième fois alors qu'elles se glissent hors de la chambre.

À mi-voix, elle voix raille encore :

– On devrait la laisser dehors.

Bien sûr, elle n'en pense pas un mot, elles auraient été la chercher jusqu'à Londres s'il l'avait fallu. Elle profite toutefois de l'occasion pour attraper la main de Ginger dans la sienne alors qu'elles traversent le couloir, mais Pure se stoppe devant la descente d'escaliers.

– Je crois que c'est Pixel qui surveille cette nuit, chuchote-t-elle, heureuse que la pénombre masque son léger rougissement, on passe par où ?