Zygote - Faire de demain un monde meilleur. [Fini]

Cet air renfrogné en partie caché derrière cette grosse écharpe vous avez bien dû le croiser au détour d’un couloir. Plus d’une fois même peut-être. A-t-il seulement une voix ? Il faut dire que Zyg n’est pas de ceux que l’on entend beaucoup. Sauf quand on le lance sur son sujet de prédilection. Ah, là ! Un vrai moulin à parole, difficile de l’arrêter tellement le bougre semble passionné par son sujet. Lui qui ne semble pas spécialement apprécier les contacts en deviendraient presque envahissant.

Zyg a peu d’amis. Des vrais, ceux sur lesquels il peut compter dans les bons comme dans les mauvais moments. Des connaissances certainement plus. Et puis, il y a son frère. La prunelle de ses yeux. Pour lui il deviendrait n’importe qui. Il se fera justicier, utilisera ses poings, se dressera devant plus fort que lui sans une once d’hésitation ou de peur.
Il passe peu de temps avec les autres, préfère ses livres et ses cahiers, lorsqu’il n’est pas en vadrouille sur les fermes partenaires.

La terre, ancrée au plus profond de son patrimoine génétique, elle le rappelle à elle sans cesse. Chez lui, on est paysan de père en fils, de mère en fille. Il n’imagine pas sa vie autrement qu’entouré d’amour.
Mais en attendant, il sait qu’il lui faut être patient. Il sait qu’il a les moyens de faire bouger les choses, d’améliorer le quotidien du plus grand nombre.

Parce que c’est ça Zyg, au fond : un condensé de gentillesse et de générosité dissimulé derrière trop d’ombres. Des ombres qu’il a pleins les yeux, des ombres qu’il a plein le cœur…

C’est la tempête dehors, le vent hurle, le tonnerre gronde, la pluie dense se fracasse sur la terre. Une vraie tempête comme il les aime, quand les éléments se déchainent et que leur petite maison tient le coup.
Soudain, un éclair illumine le ciel et la foudre s’abat, brutale, sur la grange un peu plus loin. C’est le feu malgré le crachin, les flammes rouges et or qui s’élèvent de la bâtisse.
Son père peste, s’en va. Il peut entendre les beuglements des vaches, le bêlement des brebis dans la bergerie-étable lorsque la porte s’ouvre.
C’est une malédiction, le feu se propage, gagne du terrain. Les planches craquent sous ses mâchoires, cèdent peu à peu.
Ils n’attendent pas de renfort. Les voisins les plus proches sont à plusieurs miles de leur petite ferme. Que dire de la distance à parcourir pour les pompiers ?
Ses petits poings se serrent contre la vitre. Il crie, mais le son s’étouffe. Les animaux s’échappent. Le bâtiment s’effondre. Et son père ne revient pas.
Zachary a six ans. Zael, à peine quatre.

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Il observe le monde qui défile à vive allure derrière la fenêtre. Au creux de sa main, celle de son frère, si petite et si chaude, le maintient dans la réalité.
Le petit dort la tête sur son épaule, bercé par le ronronnement du moteur, le balancement de la voiture. Les adultes discutent devant, croient qu’il ne les écoute pas, qu’il ne les entend pas. Il ne peut pourtant pas s’empêcher de les fixer dans les glaces des rétroviseurs.
Attentif, il a très bien compris ce qui les attend. Sa douleur lui importe peu, il lui reste Zael.
Zael à s’occuper, Zael à protéger.
Zael dont les éclats de rire ont toujours su illuminer les journées les plus pénibles.
Bientôt, les vieilles grilles rouillées apparaissent, dissimulant avec peine un vieux bâtiment austère. Les lieux sont lugubres, mais il ne ressent ni peur ni excitation. Il accepte avec fatalisme ce qui sera leur futur pour les nombreuses années à venir.

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Il n’est pas à sa place ici. Trop intelligent. Trop borné. Trop fier. Trop protecteur.
Trop tout et pas assez à la fois.
Les autres ne veulent pas de lui et il se renferme sur lui-même. Il a son frère, les livres, le jardin, ses cahiers. Il y gribouille des formes et des symboles, des formules croisées dans les pages des manuels des grands.
Certaines sont abstraites et ne l’intéressent pas. D’autres l’intriguent et reviennent encore et encore, prennent formes sous ses doigts.
Il est studieux mais s’ennuie. Il finit ses exercices trop vite, noircis ses marges.
La psychologue en charge propose de lui faire passer des tests. Zael aussi y a droit alors Zachary se plie à l’exercice. C’est amusant, intéressant.
Les résultats tombent et quelques mois plus tard leur transfert est décidé : pour des enfants à l’intelligence hors du commun il faut une éducation à la hauteur.
La Wammy’s house leur ouvre ses portes.

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Il lève les yeux vers le visage d’Abbey, soutient son regard sans ciller. Il n’y a pourtant pas d’affront dans le noir des pupilles, simplement une curiosité naturelle pour tous ceux qu’il ne connaît pas.
A nouveau dans sa main celle de son frère, ce contact rassurant. Il sait qu’il a de la chance, qu’il aurait pu tempêter autant qu’il l’aurait voulu, si les adultes avaient décidé de les séparer il n’aurait rien pu faire.
La chaleur dans sa paume, le petit corps pressé contre le sien l’ancre dans la réalité.
Un nouvel orphelinat, des règles différentes.
Des enfants différents.
Ici, il sera Zygote, une manière comme une autre de symboliser ce nouveau commencement. Zael devient Zadig.Il faudra se faire à ce nouveau nom à la consonance étrange qui rappelle leurs racines maternelles.

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Huit ans ont passé depuis son arrivée. Zygote – Zyg pour la plupart – se sent enfin à sa place. Il a tissé des liens pérennes avec d’autres de ses camarades, sent qu’il fait partie d’un tout malgré un manque de sociabilité évident.
Il s’est même fait des amis, des vrais, avec un grand A. Il s’est épanoui, a trouvé ce qui l’intéresse vraiment, à quoi il veut vouer sa vie. Son obstination est devenue sa plus grande force, sa persévérance son meilleur talent.
Et s’il lui arrive parfois de tricher avec les règles, c’est pour mieux effleurer son objectif du bout des doigts.
Pour que le monde s’ouvre enfin à lui, accepte les changements à venir. Pour que demain soit meilleur et que son frère s’y épanouisse avec la même facilité.