huis clos ; stun

Saga tamponne son front trempé de sueur avec une petite serviette. Il a fait de son mieux pour faire les exercices qu'on lui a recommandé avec les haltères les plus légères, mais quel calvaire. Au moins, il a fait bonne figure. Il ne lui reste plus qu'à ranger son matériel et à aller prendre une douche bien méritée. Il roule son petit tapis d'exercice, et soulève ses deux haltères avec toute la force qui lui reste – 4 kilos, c'est pas rien ! - et enfin, slalome entre les gens à qui il adresse un hochement de tête amical. Il se doute bien qu'il doit avoir l'air du dernier des imbéciles, avec ce t-shirt blanc qui lui colle à la peau et son visage tout rouge. Mais au moins, il a « fait de son mieux », il a montré « sa bonne volonté », et toutes ces idioties qui lui permettent de mieux se fondre dans la masse.

Enfin arrivé à la réserve, il dépose son matériel soigneusement, et s'autorise un soupir contenté dans la pénombre. Il va enfin pouvoir se laver et retourner à son petit confort ! Sauf qu'au moment où il s'approche de la porte, celle-ci se ferme bruyamment. Accompagnée d'un bruit de... non ? Quand même pas ?

- Eh ! Il y a quelqu'un ici !

Sa voix grave résonne dans la pièce, mais visiblement pas assez pour attirer une âme charitable vers la porte de la réserve maintenant verrouillée. Il laisse échapper un râle d'agacement, quand un bruit attire son attention. Il n'est pas seul ?

- Ah... C'est toi. Bonjour, Stun.

Il adresse un regard méprisant à son compagnon de mauvaise fortune aussi vite qu'il l'a reconnu, et croise les bras. S'il y a bien une personne dans cet orphelinat avec qui il aurait préféré ne pas se retrouver seul, c'est bien Stun. Bien trop faible pour s'acharner sur la porte, il se dirige vers une petite fenêtre en hauteur pour l'analyser. Ni lui ni l'autre ne pourront se faufiler par là, et quand bien même ils pourraient, il faudrait déjà l'atteindre, et l'ouvrir. S'il avait son téléphone sur lui, il pourrait au moins envoyer un message d'appel à l'aide, mais bien sûr, il l'a laissé au vestiaire...

- J'imagine que tu n'es pas assez fort pour ouvrir cette porte en la frappant, hm ? C'est bien ma veine.

Comme bien des adolescents énervés, voilà que Saga se retourne contre la première cible venue. Ce n'est peut-être pas une si mauvaise chose que ça, qu'ils soient coincés ensemble. Au moins, ni l'un ni l'autre n'aura besoin de cacher sa mauvaise humeur pour faire bonne figure. Il s'assied sur une pile de matelas, et réfléchit. Est-ce que la violence de Stun peut lui servir dans ces conditions ? A court terme, à long terme ? Est-ce qu'il peut retourner cette situation à son avantage, ou au désavantage de l'autre ?

Il aura besoin de plus de temps pour faire la part des choses. Son regard se pose sur le blond. Lui aussi, il doit avoir bien des choses à penser de cette drôle de situation.

saga & stun

huis clos

Stun n’est pas familier des situations gênantes, celles que l’on ne voit que dans les films. Une occasion parfaite, qui se présente à un moment opportun pour le scénario. Soit pour que deux crush s’embrassent enfin, ou alors que les deux ennemis règlent enfin leurs comptes. La seconde situation correspond davantage à ce qui arrive au blond. Bloqué dans une pièce avec un ex que l’on ne désire pas croiser. Du moins, Stun s’en fiche lui, il n’y a personne qu’il ne veut pas croiser. Il en impose trop pour craindre quoi que ce soit. C’est toi qui ne dois pas être très à l’aise en cet instant T. Après t’être égosillé pour essayer d’attirer l’attention d’une personne extérieure. Déjà, il y a tes cordes vocales qui doivent probablement être un peu abîmées. Et puis, il y a probablement le cœur qui tambourine un peu contre la poitrine, non ? Stun n’a pas paniqué quand les potes se sont refermées.

A vrai dire, il n’avait pas compris que vous étiez enfermé avant que tu ne frappes contre les portes. Ce n’est pas pour autant que le jeune homme bouge le petit doigt quand il réalise que vous êtes bloqués ici. Lui, il se contente de te regarder, à moitié dans la pénombre, un des néons de la pièce clignotant au-dessus de lui. C’est qu’il ferait presque peur, avec son regard vide. Il trouve ça un peu bizarre de se retrouver avec son ex, alors que c’est un homme. Ce n’est pas naturel pour Stun d’être sorti avec un homme, combien même il ne crie pas sur tous les toits son homosexualité. Difficile de ne pas le cacher quand on a grandi dans un univers très macho. Par chance, ce n’est pas pour autant qu’il est homophobe, il pense simplement que ce n’est pas naturel et que quelque chose cloche chez tous ceux qui sont comme lui. Un mal qui toucherait beaucoup de gens, en somme.

-C’est moi.

Il rétorque, Stun, aussi immobile qu’un piquet. On voit qu’il ne sait pas quoi faire de ses mains, qu’il tient le long de son corps, tout en te regardant, Saga. Ah malgré tout, il y a une certaine rancœur dans ses iris. Il faut le dire, tu ne t’es pas comporté de la meilleure des façons. Lui qui arrivait tout juste du Brésil, tu as joué de son innocence pour le faire tomber dans ses bras, et tu t’es amusé de ses sentiments. Il ne faudra pas t’étonner d’en subir les conséquences.

-Je peux aussi utiliser ta cabeça pour ouvrir cette porte en la frappant.

Ah, il ne mâche pas ses mots, Stun. C’est probablement une de ses plus belles qualités, ou défauts… Il fini par se déplacer dans la pièce, s’approchant de la porte. Il dépose le poing dessus, sachant pertinemment que ce sont ses poings qui faibliront avant ces deux remparts.

-Et ton téléphone ? Tu peux t’en servir, non ?

Saga lui accorde un regard contrarié en entendant sa voix. Fut un temps où cette même voix l'aurait fait sourire, peut-être même faiblement attendri. Plus maintenant. Maintenant, il fait le sourd quand il l'entend, tout comme il fait l'aveugle quand il le voit ; l'ignorant quand on parle de lui. Mais que faire aujourd'hui ? Il est bien obligé d'accepter la situation, aussi grotesque qu'elle soit.

Les voilà coincés ensemble. Saga s'abaisse, et s'assied par terre. Il est déjà sale et suant, pas besoin de faire des manières.

- Et après, quoi ? Mon crâne ne ferait que se briser, et tu serais seul avec mon sang. C'est ce que tu veux ?

Sa voix se fait plus basse, et son inflexion grinçante. Le Saga habituel aurait pris des pincettes pour souligner l'absurdité de sa menace. Le Stávros d'aujourd'hui n'en a pas la patience, ni l'énergie. Et même s'il l'avait, il ne la consommerait pas pour lui.

- J'ai laissé mon téléphone aux vestiaires. Si tu poses la question, c'est que tu n'as pas le tien non plus, c'est ça ?

Il appuie son dos contre une pile de matelas, et tourne lentement la tête pour croiser le regard assassin de Stun. Son regard à lui est plus passif, usé. Derrière l'agacement il y a l'amertume, et toutes ces émotions qui remontent quand il relit leurs anciens messages. Il ne saurait même pas dire ce qui réveille sa colère, ou sa tristesse, ou sa peur. Sa mauvaise gestion des événements ? Le temps perdu ? S'être mis à dos un des pions qu'il comptait manier à son avantage ?

Un sourire aigri, faux et forcé, étire ses babines.

- Il y a une fenêtre, là-haut. Tu es assez grand pour voir le mécanisme ? Si on peut l'ouvrir, on pourra appeler à l'aide.

N'importe qui d'autre aurait eu le droit à une longue tirade, une de ses fameuses démonstrations par l'absurde pour expliquer pourquoi la violence n'avait aucun intérêt. Mais Saga, dans sa tenue de sport collante et puante, face à cet ancien amour dont il maudissait la vision, n'était pas d'humeur à jouer son jeu habituel. Il n'avait pas envie de faire sa comédie, tout autant qu'il n'avait pas envie de faire le moindre effort pour comprendre ses émotions. Il avait seulement envie d'une douche.