go with the flow – stun

A l’heure où tout le monde rejoint le réfectoire pour le dîner, Lux déambule dans les couloirs de la Wammy’s House, téléphone en main. Ces instants de répit sonore sont précieux car elle peut vaquer à son business sans dérangement extérieur, et surtout sans risquer de croiser un professeur par surprise.

Elle met à jour son tableau, vérifie quel clampin lui doit de l’argent ce mois-ci. Tempest avait déjà tout remboursé, moyennant quelques cours de mandarin, un superbe blazer rose pour aller avec son chapeau de cow-boy, et ses chocolats de pâques. Héphaïstos lui avait rendu son restant, avec une petite bague forgée en prime, très appréciable. Quant à End, injoignable, elle irait le chercher à la salle de musique en fin de semaine, quand elle entendra les sons stridents de sa guitare. Et puis il y avait Stun.

Contrairement aux trois autres, qu’elle connaissait depuis des années, et que l’habitude avait fini par rendre amis, le brésilien n’était encore pour elle qu’une vague figure familière, un pseudonyme accolé à un visage qu’elle replaçait non sans peine. Elle se rappelle surtout ses sourcils froncés, ses survêtements en mauvais état, la rudesse de son regard.

Heureusement, c’était sa dernière mensualité, et elle n’aurait plus affaire à lui. Lux connaît pourtant les orphelins violents, pour les avoir fréquentés plus assidûment que la sage Linda par exemple, Mais celui-là, elle ne le sent pas. Quelque chose dans son impénétrable grossièreté lui présageait un désastre dont elle ne pouvait rien tirer.

Résignée, elle traîne ses pieds jusqu’au réfectoire où on lui a dit qu’il était. S’assied dans un coin, salue les adolescents qui lui adressent la parole en partant, scrute sa montre pour attendre que l’heure du repas passe. L’observe sans s’en cacher, examine ses gestes et les pansements à ses mains. Puis, quand tout le monde est parti, même le personnel, se poste en face de lui, l’air assuré.

« Mec. T’es en retard, tu devais me rembourser la semaine dernière déjà. »

Elle lui présente ses mains, hausse les épaules de l’air de quelqu’un qui pardonne sans rancune.

« J’ai toujours ton collier au fait. »