the jeweller's hands

philippa furst
lituanie
17 ans
arrivé•e à 5 ans
shape
très diligent·e dans sa scolarité mais veut surtout reprendre la tête du club de couture

élégant·e
ambitieux·se
ordonné·e
taciturne·e
passionné·e

hautain·e
obsessionnel·le
superficiel·le
anxieux·se
pessimiste

Spécialité: le tricot

Prince a acquis une expertise considérable dans le tricot manuel et industriel. Des calculs de patronage à la manipulation des machines à tricoter, de la géographie des races de moutons jusqu’à l’histoire des objets tricotés, ses connaissances pratiques et théoriques sont complètes.

La couture est morte. Le fil se casse, le tissu se déchire, chaîne et trame divorcent et les aiguilles sont jetées dans le foin.

Il a le cou qui craque, des bosses dans la nuque, le regard lent et les vêtements parsemés d’amas de fils comme des petites chenilles parasitaires.
C’est là, à la lueur timide du soleil matinal, que dans son esprit diffus une idée se forme : sa carrière dans la haute couture est foutue avant d’avoir commencé. La craie qui s’effrite, les doigts brûlés au fer, les lignes jamais droites, les aiguilles qui cassent, son mannequin trop maigre. Tout ceci le rend malade. Son acharnement n’était finalement pas une qualité - au contraire, ces nuits blanches obsessionnelles passées à coudre lui ont coûté des lambeaux de vie.
Tout a fini au magasin de charité du coin.

Or quand tout semblait fini, gâché, sans issue, Prince a découvert la maille, élastique, souple, vivante.

Le tricot l’a sauvé. Au lieu de réduire la matière en la maltraitant avec des outils pour percer, couper, cranter, il la créait et elle naissait pluriforme. Les mailles existent pour être étirées, pour accompagner des corps en mouvement, pour prendre la forme de la chair. Puis, entassées au repos, à l’abri des regards dans l’ombre d’un tiroir ou d’une étagère, elles regagnent leur torsion originelle. Des mailles comme des cocons, comme des armures organiques et extensibles, malléables et vivantes.

Les mains dans la laine Prince les a toujours maintenant, éternellement penché sur son ouvrage. Le fil d’une dimension qui devient un objet qui s’étale sur trois. Le mouvement régulier de ses doigts. Et le parfum de son thé à côté, bergamote et fleur d’oranger. C’est tout ce qu’il lui faut.

Vive la maille.

Genderfluid, ses pronoms sans ordre de préférence il/elle/iel
N’a jamais offert d’objet tricoté à qui que ce soit, à cause de l’horrible sweater curse
Aussi, ne peut se débarrasser de ses créations qui s’accumulent dans une pile gigantesque (et très moelleuse)
Obsédé·e par le tri et la réduction des déchets, suit de très près l’évolution du compost dans le jardin
Rougit terriblement fort et vite
Va en salle de sport pour étirer le haut de son corps exclusivement
Perçu comme quelqu’un de sociable, mais est introverti et passer du temps en société l’épuise
Très pointilleux sur l’origine de ses matières premières, va souvent en visite chez des filatures dans les midlands
Peut déclamer des alexandrins pour (tenter de) séduire
Fume comme un pompier
Ne supporte pas de faire une seule tâche à la fois et semble toujours ne pas écouter et être ailleurs
Sa psychorigidité est bien connue, a des habitudes millimétrées et un simple dérèglement peut lui faire péter des plombs
Style de papi flanelle milleraies casquette en laine, style de mamie gilet colliers de perle mocassins tressés
Tente de regarder des vieux films italiens ou français sans sous-titres pour frimer
Surnommé « Charming » à cause de sa façon de secouer sa tête pour dégager sa frange (et ne connait pas la référence à Shrek)

Roulé en boule au milieu d’étoffes précieuses, taffetas, tulles, dentelles, satins duchesse, twills de soie, Prince pleurait à larmes chaudes. Le bustier s’était détaché, les marges de couture avaient filé et la couture s’était détachée. Son désespoir était à son comble, car le club de théâtre devait donner sa représentation le lendemain, et Prince avec assurance leur avait promis de repriser le costume du rôle-titre. Or il gisait à terre, détaché en deux parties, exécuté par sa maladresse.

C’en était fini de lui. Tempest et le reste du club de couture regarderaient son échec, travailleront à le reprendre en équipe, y parviendront en s’acharnant dans un silence qu’il ne pourrait supporter. Toutes les machines surjeteuses fers à repasser pourraient faire un vacarme simultané et cela ne suffirait pas à couvrir la honte qu’il éprouvait et le jugement qu’il percevrait dans le dur labeur de tous-tes.

En fait, comme il avait lui-même créé ce malaise, son embarras n’aurait pas pris des proportions aussi grotesques si, dès le début, il n’avait été aussi odieux avec le reste du groupe. Or aucune de leurs réalisations techniques ne rentrait dans ses grâces, car Prince avait toujours quelque chose à redire dans l’exécution de tel point de broderie ou tel ourlet spécifique.
« Pas comme ça le pli. Ta couture anglaise est mordue. Il faut décaler le pied pour l’ourlet mouchoir. Non dans l’autre sens !! »
Les salles des clubs ont souvent une âme. Celle de la salle de couture était habitée par sa présence oppressive et critique, jugeant de son regard dédaigneux les amateur-ices. Même jeune, Prince s’était destiné-e à être l’expert-e absolu-e et ce faisant, avait dérivé de son rôle de guide et de mentor pour devenir un juge aussi terrifiant que Minos présidant aux enfers.

Sûrement pourra-t-on trouver des explications à ce comportement : le fait de se focaliser sur une chose et une seule pour oublier les autres, de se construire une identité autour d’une monomanie parce qu’autrement il avait le sentiment de ne pas en avoir une. Prince avait internalisé ça comme beaucoup d’autres de celleux qu’on nommait « orphelins » (ce qui l’exaspérait plus que tout, car on les ramenait à ce qui leur manquait, et pas ce qu’ils avaient et devenaient). Vivre depuis douze ans entre les mêmes murs n’aidaient pas à son sentiment d’enfermement, d’attribution à un rôle immuable - celui du styliste psychorigide. Chaque jour, il passait devant les salles de primaire, sentait la même odeur de colle et de peinture, était ramené au souvenir des siestes et des goûters, et s’imaginer grandir et partir devenait de plus en plus difficile.

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Depuis qu’il ne coud plus, la sympathie de Prince a percé ses crises de perfectionnisme. On l’a redécouvert avec son humour vieillot, ses trouvailles en friperie, ses attentions distraites. Il a l’impression qu’il peut se réinventer de nouveau. Il sent qu’il peut partir dans le monde et devenir quelqu’un, ni Prince, ni Philli, quelqu’un d’autre qui aime voir le temps passer et porte des tricots imparfaits.

J’écris enfin mon ode au tricot. Merci de supporter mes monomanies bizarres et de lire mes baragouinages interminables. Prince a en avatar Haruka Tenou (Sailor Uranus) de Sailor Moon