only one life to live so choose wisely - ace

(Début de l'enregistrement. On entend une chaise racler le sol et se rapprocher du microphone tandis que deux tasses semblent être posées sur une table en métal. Silence pesant. Quelqu'un joue avec les manchettes de sa veste.)

Homme : (Une voix grave mais se voulant réconfortante résonne. En japonais.) "Comment te sens-tu ? Tu as pu dormir cette nuit j'espère ?"

Fille : (Une voix très aigüe, une enfant d'à peu près une dizaine d'années. En japonais aussi.) "Je vais bien, merci. Et vous ? Vous semblez stressé."

Homme : (Un silence. Ses doigts tapotent le métal.)

Fille : "De plus, mon rythme de sommeil n'est pas pertinent. À moins que connaître cette information vous permette de compenser le manque de repos que vous vivez à cause de cette affaire ? Vous sentirez-vous mieux si je répondais par l'affirmatif Monsieur ?"

Homme : "T-Tu peux m'appeler Kogami. Je souhaitais simplement faire la conversation avant de parler de ... Ça." (Un crissement. Une tasse semble être poussée d'une extrêmité à l'autre de la table, l'autre est soulevée puis reposée quelques secondes plus tard.)

Fille : "Oh ... Pardon. Oui. J'ai dormi mais j'ai fait un cauchemar. J'étais enfermée dans mon école avec mes camarades et on ne pouvait s'enfuir."

Kogami : "Je vois. Cela te dérange d'être enfermée ?"

Fille : (Mouvement de tête. Impossible de discerner le sens.)

Kogami : "Très bien." (Il reprend une inspiration.) "Je dois te poser des questions, tu le sais n'est-ce pas ?"

Fille : "Oui. Vous devez interroger la principale témoin de cette affaire pour espérer recueillir des informations vitales pouvant vous offrir une piste solide. De plus, si jamais je venais à tenir des propos m'incriminant, vous pourrez m'arrêter sur le champ. Je suis bien une suspecte n'est-ce pas ?"

Kogami : (Il semble très surpris. Sa voix le trahit.) "Suspecte ? Bien sûr que non ! Pourquoi cette question ?"

Fille : (Un instant de réflexion.) "Et bien ... Le cadavre a été retrouvé dans sa maison, vraisemblablement tué à bout portant par une arme à feu de petit calibre. Trois balles dans le dos et une dans la tête. Aucune trace d'intrusion n'a été retrouvée au niveau des entrées ainsi que des vitres et je suis la seule possédant le double des clés. De plus, je suis celle qui a en premier lieu contacté la police lorsque le corps a été retrouvé. J'aurai très bien pu simuler cette chambre close en assassinant la victime moi-même avant d'appeler la police vous ne pensez pas ?"

Kogami : "... Mais-"

Fille : "Je ne dis pas que je l'ai fait. Cependant, vous ne connaissez pas la vérité, vous ne pouvez pas vous permettre d'écarter la moindre piste, peu importe à quel point elle semble invraisemblable ou impossible."

Kogami : (Une main est passée sur son visage. Il soupire.) "Megumi ... Nous parlons de ton père là. Pourquoi n'es-tu pas triste ? Comment peux-tu parler de ça avec autant de facilité ?"

Megumi : (Un instant de réflexion.) "Je porterai mon deuil le jour de son enterrement. En attendant, chaque seconde que je passe à le pleurer est une seconde perdue où je ne vous aide pas à trouver la vérité. Mon père m'a toujours dit d'être efficace et que le temps était la clé. J'applique simplement ce qu'il m'a enseigné. C'est un homme très intelligent, il n'a pas tort je le sais." (Un instant.) "Enfin ... C'était un homme intelligent." (Sa voix a vacillé. On entend des bruits de gants. Elle tire dessus et les réajuste plusieurs fois d'affilée.) "Je suis triste de l'avoir perdu. Mais mes sentiments ne sont pas importants pour cette histoire. S'il vous plaît, Monsieur Kogami, posez-moi vos questions."

Kogami : "Je vois ..." (Il soupire de nouveau.) "Très bien." (Bruit de feuilles, probablement un calpin, puis le 'clic' caractéristique d'un stylo.) "Reprenons depuis le début. Peux-tu me raconter ce qu'il s'est passé en détail ?"

Megumi : "Depuis quel instant ?"

Kogami : "Le début."

Megumi : "Oh ... Hmm. D'accord. Je me suis levée à 7h00 pile comme tous les jours. Je suis allée me doucher, je me suis lavée les dents, je me suis recoiffée et je suis descendue. Mon père était déjà dans la cuisine, en train de boire son café. Il avait fait des omelettes ce jour-là."

Kogami : (Le stylo frotte le papier rapidement.) "As-tu remarqué quelque chose chez ton père ? Quoi que ce soit d'inhabituel."

Megumi : (Mouvement de tête.) "Non. Mon père était ... Très calme. Comme toujours. Il lisait le journal et me laissait faire les mots-croisés pendant que je déjeunais. Il a regardé l'heure à sa montre puis m'a dit quand je devais y aller. Puis je suis partie sans fermer la porte à clé, comme toujours. C'est la dernière fois que nous avons échangé." (Un instant. Elle tire sur ses gants. Puis soulève sa tasse, déglutit et la repose doucement.) "Merci pour le thé."

Kogami : (Mouvement de tête.) "Avec plaisir. Ton père possédait-il des ennemis ? Enfin, je me doute que tu sois au courant mais je préfère demander, sait-on jamais ..."

Megumi : "Je ne sais pas. La plupart des criminels qu'il retrouvait l'insultaient de tous les noms et juraient de se venger. Mais n'est-ce pas là le comportement habituel d'une Homme acculé et poussé à bout ? En tant que détective, il faisait très bien son travail. Il s'agit peut-être du mobile du tueur. Une vengeance personnelle ou au nom d'un proche ? Ou alors ne s'agirait-il pas plutôt d'une organisation qui a préféré le supprimer car il représentait une menace ? Je trouve cette explication plus plausible, comment un simple criminel pourrait-il simuler une chambre close avec autant de facilité." (Elle hausse les épaules.)

Kogami : "... Tu peux me rappeler ton âge s'il te plaît ?"

Megumi : "J'ai onze ans."

Kogami : (Il reste sans voix.)

Megumi : "Mon instituteur fait aussi cette tête lorsque je parle un peu trop."

Kogami : (Toujours rien.)

Megumi : "Mon père me parlait souvent de ses affaires ... Tout le temps même. Il était obsédé par son travail. Et moi aussi, dans un sens, j'étais obsédée par le sien."

Kogami : "Hmm ... Très bien. Bref. Et donc tu dis que tu ne lui as plus parlé jusqu'à la fin. Et lorsque tu es revenue ? Peux-tu tout me dire dans les moindres détails ?"

Megumi : "Oui. Je suis rentrée aux alentours de 18h00. Le soleil commençait déjà à se coucher. Je suis arrivée devant la maison, j'ai sorti mes clés, je les ai inséré dans la serrure et je suis entrée. Enfin j'ai mis un petit moment puisque la porte est extrêmement lourde et bruyante. Mais j'ai tout de suite senti l'odeur du sang. Sans même prendre le temps de me déchausser ou même de refermer derrière moi, je me suis précipitée dans la pièce principale ... Il était là, étendu sur le ventre dans une énorme flaque rouge." (Un instant.) "Et j'ai ... Je suis désolée. J'ai touché la scène de crime. Je sais que je n'aurais pas dû mais ... Les émotions ont pris contrôle de mon corps."

Kogami : "Ne t'excuses pas. C'est normal à ton âge, tu n'aurais jamais dû voir ça en premier lieu. Nous pouvons faire une pause si c'est trop difficile pour toi. Ne t'inquiètes pas."

Megumi : (Hochement de tête.) "Non. Bref. C'est là où j'ai retourné son corps. J'ai posé mes doigts sur sa tempe pour essayer de capter un battement, rien. Puis ..."

Kogami : "Puis ?"

Megumi : "J'ai hurlé."

Kogami : "... Je vois."

Megumi : "J'ai pleuré. Je crois."

Kogami : "C'est normal."

Megumi : "Je n'aurai pas dû réagir ainsi. Mon père avait raison, je n'étais pas encore prête pour devenir détective." (Pas de réponse de l'adulte.) "Ensuite, j'ai examiné ses blessures, vu qu'il avait encore ses clés et sa montre puis je me suis redressée et j'ai couru pour fermer la porte. Vous avez probablement dû voir mes traces de pas ensanglantés menant jusqu'à la sortie, n'est-ce pas ?"

Kogami : "Oui. Mais nous savons qu'il s'agit de tes chaussures. Pourquoi avoir fermé la porte ?"

Megumi : "Et bien ... Le coupable aurait pu être encore dans la maison."

Kogami : "Comment ça ?"

Megumi : "Je n'en étais pas encore sûre, mais je n'avais pas vu la moindre fenêtre brisée donc j'ai supposé qu'il n'y avait eu aucune effraction."

Kogami : "Et pourquoi ça ?"

Megumi : "Si vous voulez tuer quelqu'un à tout prix, au point même de ne pas vouloir attendre qu'il sorte de chez lui pour le faire ... Vous allez entrer de force à l'intérieur, je me trompe ?"

Kogami : "Je ne vois pas où tu veux en venir."

Megumi : "Vous allez emprunter le chemin le plus rapide pour le tuer, n'est-ce pas ? Première fenêtre à portée et pan. Quatre balles."

Kogami : "J'imagine ?"

Megumi : "Si vous êtes un cambrioleur cependant, vous allez attendre que la voiture du propriétaire s'en aille pour entrer. Oui ?"

Kogami : "Oui ? Peut-être que le cambrioleur ne s'était pas attendu à la présence de votre père et l'a tué en paniquant ?"

Megumi : "D'accord. Mais quel genre de cambrioleur laisserait une montre valant une fortune sur sa victime ?"

Kogami : "... Certes. Mais je ne vois toujours pas où tu veux en venir."

Megumi : "Aucune vitre n'a été brisée au rez-de-chaussé. Après avoir fermé à clé la porte, j'ai inspecté l'étage. Rien non plus. Ni signe de crochetage."

Kogami : "Et ?"

Megumi : "Si personne n'est entré ailleurs que par la porte d'entrée et que personne n'est sorti, qu'aucune balle n'a été tiré depuis l'extérieur ... Comment mon père est-il mort"

Kogami : "C'est ce que nous essayons de déterminer, Megumi."

Megumi : "Certes. Mais comment quelqu'un peut-il se volatiliser ainsi, alors que la porte était fermée de l'intérieur et que mon père possédait toujours ses clés sur lui ? Je sais que vous savez au fond, Monsieur Kogami."

Kogami : "... Attends. Tu dis que tu n'as pas fermé la porte lorsque tu es arrivée ?"

Megumi : (Hochement de tête.)

Kogami : "Ne me dis pas que tu penses cela possible."

Megumi : "Et bien ... Il y a quatre types de chambre close. La première est lorsqu'elle est créée après que le crime ne soit commis, c'est à dire que le tueur scelle la scène d'une façon ou d'une autre après le meurtre, souvent à l'aide d'une ficelle ou d'un mécanisme. Mais je n'ai rien trouvé sur la porte de la maison. Nous pouvons, je pense écarter cette option."

Kogami : "Je ne pensais pas à ça Megu-"

Megumi : "Laissez-moi terminer Monsieur Kogami. Le deuxième type est lorsque la chambre close est déjà scellée avant le meurtre. Le tueur était à l'extérieur et a réussi à tuer sa cible sans entrer. Sauf qu'il n'y a aucun impact de balles sur les murs et les vitres. Les balles ne peuvent pas s'être téléportées à l'intérieur. Nous ne sommes pas encore en 2050. Cette piste ne mène donc à rien."

Kogami : "..."

Megumi : "Le troisième type est qu'en fait, il n'y a aucune chambre close. Une sortie alternative. Quelque chose que nous voyons souvent dans les romans mais ... Difficile à mettre en pratique. Surtout que je connais bien ma maison. Je suis née ici. Ce n'est pas ça. Vous savez très bien quelle est la quatrième option Monsieur Kogami. Si je n'ai pas fermé à clé la porte le matin et que je n'ai pas refermé la porte à clé le soir ... Vous savez quoi déduire n'est-ce pas ..."

Kogami : (On l'entend se redresser.)

Megumi : "Le dernier type est lorsque le tueur reste dans la chambre close jusqu'à ce que celle-ci soit ouverte."

Kogami : (Une porte s'ouvre. Des éclats de voix en anglais. Ils semblent discuter très sérieusement de ce qu'il se passe. Les gens de l'autre côté de la porte semblent s'activer.)

Megumi : (Elle continue, parlant à elle-même puisque l'adulte ne l'écoute plus.) "Une seconde d'inattention de la part d'une petite sotte aurait permi au tueur de partir sans laisser de trace, sans même faire de bruit, couvert par les hurlements de cette même imbécile. Tout ça car elle a été incapable de réfléchir avant d'agir. Fermer une porte n'était pas si difficile pourtant. Tout aurait été différent." (On entend un reniflement. Puis ses gants. Elle tire dessus avec force.)

Kogami : (Il revient, il est très stressé.) "Merci pour ton témoignage Megumi. Je crois que nous avons ce qu'il nous fa-"

(L'enregistrement est subitement coupé.)

(Début de l'enregistrement. Des voix que l'on reconnaît.)

Kogami : "Bonjour Megumi. Comment vas-tu ? Souhaites-tu un thé ? Tu peux t'installer."

Megumi : (Bruit de chaise crissant contre le sol.) "Bonjour Monsieur Kogami. Non merci, je vais bien. Et vous ?"

Kogami : "Je vais bien merci."

Megumi : "Que fais-je ici ? D'après ce que vous m'avez dit, vous avez une piste solide pour retrouver le meurtrier non ?"

Kogami : "C'est exact."

Megumi : "Témoigner une nouvelle fois n'est donc pas utile."

Kogami : "Effectivement."

Megumi : "... Et donc ? Je ne comprends pas."

Kogami : "Cela n'a pas de rapport avec le crime, Megumi. Tu peux te détendre. Je m'explique. Tu vivais seulement avec ton père, c'est exact ?"

Megumi : "Oui. Ma mère est morte il y a quelques années d'un cancer. Je n'ai effectivement plus personne. Peut-être des lointains cousins mais ... Mon père n'a jamais été proche du reste de sa famille. Et par conséquent moi non plus."

Kogami : (Il hoche la tête.) "Je sais Megumi. Puisque tu n'as plus de tuteur légal, nous avons décidé de te placer dans un orphelinat."

Megumi : (Aucune réponse, elle commence à jouer avec ses gants.) "Je ne suis pas en âge de refuser n'est-ce pas ?"

Kogami : "Effectivement."

Megumi : "Allons-y dans ce cas."

Kogami : "Attends. Nous devons discuter avant."

Megumi : "Pourquoi donc ? Je n'ai rien à ajouter. Je me plierai à votre volonté."

Kogami : "Megumi, attends." (Il soupire.) "Tu es une fille intelligente. Tu nous as permi d'élucider une partie du mystère entourant la mort de ton père malgré ton âge. Ce qui est très impressionnant. Sais-tu qui tu as aidé et même surpris avec cette déduction ?"

Megumi : "... L ?"

Kogami : "C-comment le sais-tu ?"

Megumi : "J'ai vu son logo sur l'un des ordinateurs du commissariat. Je suis désolée d'avoir ruiné la surprise. Mon père m'a beaucoup parlé de lui. Il a même travaillé avec lui une fois si je me souviens bien."

Kogami : "... Okay. Oui. Effectivement. Ton père a effectivement déjà travaillé avec L. Après plusieurs longues discussions entre hauts gradés, ils ont décidé de t'offrir une place dans un orphelinat très particulier. Tu la mérites."

Megumi : "Ils ? Pas vous ?"

Kogami : "Non. Pas moi. Je ne suis que le messager. Ils se sont dit que de l'entendre de la bouche d'une figure familière te permettrait de plus facilement accepter."

Megumi : "Très bien. Je ne pensais pas que mon profil intéresserait qui que ce soit d'autre que mon père et ses contacts dans la police."

Kogami : "Quand je dis haut-gradé, je ne parle pas du commissaire ... Non, je parle de bien plus haut. Simplement dire que L a fait parti de la discussion devrait te le faire comprendre. Tu as du potentiel, il n'est pas difficile de s'en rendre compte."

Megumi : "Merci Monsieur Kogami. Pouvez-vous préciser le type d'orphelinat s'il vous plaît ? Je ... Je n'aime pas forcément l'inconnu. Les inconnus."

Kogami : "Un orphelinat pour surdoués. Pas seulement dans ton genre, dans tous les genres."

Megumi : "Vraiment ? Peinture ?"

Kogami : "Oui."

Megumi : "Musique ?"

Kogami : "Oui."

Megumi : "Cinéma ?"

Kogami : "Oui. De la metallurgie à la pyrotechnie en passant par le parkour et même le marxisme."

Megumi : "Intéressant. Je ne pensais pas voir un endroit pareil au Japon."

Kogami : "Car l'orphelinat ne se trouve pas au Japon. Mais en Angleterre."

Megumi : "Oh. Hmm. J'imagine que ça fera l'affaire. Je n'aime pas beaucoup les anglais cependant. Ils sont très malpolis. Et ingrats."

Kogami : (Il ne répond pas et passe une main sur le visage, probablement las.) "Megumi ..."

Megumi : "Pardon. Je rigolais." (Elle tire sur ses gants. Elle ne rigole pas.) "Et que vais-je apprendre là-bas ? Excepté comment m'entendre avec des gens ... Comme moi ?"

Kogami : "La même chose qu'ici. Et plus. Tu souhaites devenir une détective n'est-ce pas ?" (Elle hoche vivement la tête.) "Tu auras une éducation spécialisée dans le domaine de l'investigation et plus si tu le souhaites. Le but de cet endroit et de permettre aux meilleurs éléments du monde de s'épanouir dans un environnement sécurisé."

Megumi : "Et contrôlé."

Kogami : "Et contrôlé, effectivement. Mais tu seras bien mieux là-bas qu'ici. Crois moi."

Megumi : "Vous en venez ?" (Bruit d'un mouvement de tête.) "Je n'aime pas ça."

Kogami : "Mais L oui."

Megumi : "Oh ... Intéressant. Je n'ai pas le choix de toute manière. Merci de vous occuper de mon éducation néanmoins."

Kogami : "Nous n'aurions jamais abandonné quelqu'un avec autant de potentiel."

Megumi : "Vous l'aurez fait si j'étais comme l'écrasante majorité donc."

Kogami : "Non. Nous nous serions occupés de toi ici. Tu n'aurais simplement pas pu accéder à cet endroit."

Megumi : "D'accord. Puis-je connaître le nom de mes futurs camarades ?"

Kogami : "C'est confidentiel."

Megumi : "... Pardon ?"

Kogami : "Oui. Les orphelins ne doivent pas divulguer leur nom au sein de l'établissement ni en révéler l'existence à l'extérieur. Ils sont tous nommés par des surnoms, ce qui veut dire ..."

Megumi : "... Que moi aussi je vais devoir me soumettre aux règles. Très bien. Je ferai ce qu'il faut pour ne montrer ma véritable identité à personne alors."

Kogami : "C'est bien. Merci beaucoup."

Megumi : "Merci à vous, surtout. Et s'il vous plaît ... Contactez-moi lorsque vous aurez retrouvé le tueur."

Kogami : "... Je vais en parler à mes supérieurs."

(Fin de l'enregistrement.)

(Début de l'enregistrement. L'objet semble être manipulé par des mains inexpérimentées. En japonais.)

Megumi : "Le voyant rouge est allumé ... Le temps défile correctement ... Et le micro semble capter ma voix. Super. Ahem. Enregistrement numéro 1. Nous sommes le 1er Mai, le jour de mes douze ans. J'ai reçu à mon arrivée ici un cadeau de la part de Monsieur Kogami accompagné d'une lettre me disant explicitement de le déballer pour mon anniversaire. Naturellement je l'ai fait et je ne suis absolument pas déçue. Merci beaucoup Monsieur Kogami pour cette belle attention, je vous promets de le rentabiliser correctement !"

(Quelques secondes passent. On l'entend jouer avec un gant et le probablement le paquet cadeau.)

Megumi : "J'ai récemment appris que quasiment personne ici n'avait pris la peine de teindre leurs cheveux et porter des lentilles pour dissimuler leur véritable identité. Je ne sais pas si j'ai trop appliqué les instructions de Monsieur Kogami à la lettre ou si au contraire ils sont tous dans l'erreur ... Les probabilités montrent qu'il y a plus de chance que je sois celle qui se soit trompée mais ... Ce n'est pas grave. Je ne déteste pas tant que ça ma couleur, au contraire elle me correspond assez. De plus, la fille qui partage ma chambre l'a complimenté lorsque nous nous sommes rencontrées." (Un instant de réflexion.) "Je pense que je vais la garder."

(Le dictaphone semble être posé sur un bureau en bois. Un crayon commence à frotter le papier.)

Megumi : "Cette fille est gentille. Bien que française. Un défaut impossible à corriger." (Léger rire timide.) "Je l'apprécie. Cependant nous ne venons pas du même univers et nous ne feront probablement jamais parties du même. Il y a quelque chose dans son attitude insouciante que je trouve troublant. Elle est aussi très tactile, mais je lui ai ordonné de ne me toucher sous aucun prétexte. Je n'aime pas ça. J'ai ... Aussi beaucoup de mal à me faire des amis, mais j'y suis habituée depuis le temps, j'imagine que la solitude me correspond. Au Japon, les choses se déroulaient de la même manière. Ou presque. J'avais mon père pour compenser. Il était mon meilleur ami et nous pouvions parler toute la nuit de ses affaires. Ce que je ne peux plus faire maintenant. Encore moins depuis que je n'ai plus le droit de parler à Monsieur Kogami. Je ne sais donc pas comment l'enquête avance. Je regarde tous les jours les journaux internationaux dans l'espoir de voir que le grand L a réussi à résoudre cette affaire mais ... Le coupable semble filer entre les doigts de la justice. Hmm. Si j'étais là-bas, j'aurai peut-être pu aider. Je devrais demander à la Gouvernante ce qu'elle en pense. Mais je doute avoir le droit de voyager."

(Le crayon arrête de frotter le papier. La chaise de bureau semble rouler sur le parquet.)

Megumi : "Les études se passent bien. Le niveau est plus que convenable et je m'y plais. Les cas que nous devons étudier ne sont pas très difficiles pour l'instant, néanmoins je suppose que c'est ce qu'il faut pour permettre au reste de la classe de suivre. Enfin. Je ne suis pas la seule à parvenir à résoudre les énigmes sans grande difficulté. Il y a ce garçon dans ma classe. Il est intrigant. Et intéressant. Je pense fortement que lui et moi sommes des êtres similaires. Enfin presque. Je possède un certain sens du style qui lui manque cruellement. Mais ce n'est pas grave. Je devrais le tester un de ces jours pour vérifier si lui et moi percevons le monde de manière identique. J'ai déjà une idée. Je vais faire un autre enregistrement pour en parler plus amplement."

(Fin de l'enregistrement.)

(Début de l'enregistrement. Pas de bruit de fond. En japonais.)

Megumi : "Enregistrement 28. J'ai inventé un jeu aujourd'hui. Il s'agit du "Tue moi" et le principe est très simple. Lorsque je demande à quelqu'un de me tuer, il a une petite dizaine de minute pour m'expliquer précisément comment il pourrait faire tout en s'enfuyant sans laisser de trace. Une fois le temps écoulé, nous passons en revue chaque petit détail. Ce n'est pas très compliqué. Enfin ... Lorsque l'on demande à la bonne personne évidemment. Les réponses de certains étaient ... Mauvaises. Mais j'imagine que c'est une bonne chose, cela veut dire qu'ils seraient incapables de commettre un crime sans se faire attraper dans les dix minutes."

(Elle souffle du nez, probablement moqueuse.)

Megumi : "Enfin bref. J'arrive doucement à m'ouvrir aux autres, du moins, j'essaie de le faire. Les orphelins parlent et discutent tous de leurs passions, je ne vois pas pourquoi je devrais être la seule à rester secrète sur ce que j'aime et qui je suis. J'ai définitivement pris la règle de l'anonymat au pied de la règle et je m'en veux. Tant pis. Les choses sont comme elles sont. Demain, certains comptent faire des jeux de société dans la salle commune, j'essaierai de les rejoindre et voir ce que ça donne. Je demanderai à Lacrimosa de venir avec moi. Je pense que cela lui plairait. J'espère."

(Fin de l'enregistrement.)

(Début de l'enregistrement. La voix est plus grave qu'avant, plus mature aussi.)

Megumi : "Enregistrement numéro 2201. Les examens sont terminés. Je pense m'être bien débrouillée. J'ai d'ailleurs parié un bubbletea avec Near que je le battrai. Enfin, uniquement dans les matières qui valent le coup. Je ne m'avance pas trop en disant que j'ai déjà gagné en sport mais ... J'ai hâte de voir nos résultats dans les autres matières."

(Elle baille. Puis on l'entend tapoter sur son téléphone portable.)

Megumi : "J'ai d'ailleurs vérifié ce matin, le criminel est toujours sous les barreaux et ne s'est pas échappé de sa prison de haute sécurité. Tant mieux. J'ai hâte d'être majeure pour pouvoir retourner au Japon et lui rendre une petite visite. J'ai beaucoup de choses à apprendre de lui. Je dois savoir à tout prix pourquoi il a fait ce qu'il a fait. Il n'y a rien de plus frustrant que de ne pas connaître la vérité. Mais ce n'est pas grave. Il m'attend sagement dans sa cellule. Il sera toujours là, dans quatre ans. Et je le percerai à jour."

(On entend une porte s'ouvrir. Une voix indiscernable semble lui parler. On l'entend parler anglais avec un fort accent japonais.)

Megumi : "Oui ? Oh ? Déjà ? D'accord, je me prépare et j'arrive." (La porte se ferme, la chaise de bureau se met à rouler sur le parquet. Elle recommence en japonais.) "Bon. Ce soir j'avais promis de regarder Knifes Out avec Lacrimosa et d'autres amis. Le soucis avec ce genre de film, c'est qu'ils refusent de m'écouter faire des théories car elles s'avèrent toujours vraies. Mais ce n'est pas ma faute si le foreshadowing est si évident que je comprends directement la fin ! De toute façon, je ne comptais pas prendre la parole mais plutôt les écouter attentivement. Leurs théories, bien qu'erronées, méritent d'être entendues. J'aime bien voir leurs cerveaux travailler. Je dois avouer, que leurs raisonnements m'intriguent plus que le film en lui-même." (On l'entend mettre sa veste, farfouiller son bureau et ranger quelques affaires dans un sac. Puis elle se rapproche du dictaphone.)

(Fin de l'enregistrement.)