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heaven's door — diana

Kama
Kama
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heaven's door — diana, posté le Mar 3 Aoû 2021 - 19:23.
Un morceau de son cœur s’était détaché, sans prévenir ; c’était un matin où il s’était levé tôt, avait passé le jardin au peigne fin, les genoux dans la terre meuble et odorante, éclipsant des heures entières à la recherche d’un trèfle à quatre feuilles. À la fin il ne l’avait pas trouvé, mais il avait coupé des fleurs de courgette pour les enrober de miel et les partager avec celui auquel il n’avait cessé de penser depuis le réveil - celui auquel il avait voulu offrir le porte-bonheur. Puis alors qu’il arrivait essoufflé mais souriant devant la chambre de DJ, on lui avait dit qu’il était parti.

Depuis il était très silencieux, plus que d’habitude, rêveur et plutôt pantouflard. Le tibétain n’avait plus envie de parcourir le jardin et ramasser les fleurs, les feuilles, il n’avait plus envie d’escalader les tours et pousser des cris pour tester l’écho, il n’avait plus aucune énergie pour aller dire bonjour aux poules de Quetzal. Il avait le sentiment que s’il allait dehors, il allait se volatiliser d’un coup, et que son existence serait effacée aux yeux de tous ceux et toutes celles qui l’avaient connu, dans ce continent comme dans celui d’où il venait. En fait, il avait l’impression qu’une part de lui avait déjà disparu, et qu’il ne la retrouverait jamais.

Diana ne savait peut-être pas exactement quels étaient les sentiments exacts de son ami, mais elle avait dû pressentir sa détresse, par ce bon sens social dont elle était dotée. Elle seule avait réussi à lui faire quitter son survêtement en molleton gris, à lui faire enfiler des chaussures à semelles dures, un imperméable et même un petit bonnet - car l’automne était déjà aux portes du comté de Hampshire. Puis le bras sous celui de l’adolescent, elle l’avait entraîné hors des murs de l’établissement, hors du parc, hors de Winchester, dont elle avait dû deviner qu’ils faisaient du mal à Kama, sans cesse rappelé au souvenir de son ami absent.

Dans le musée de Southampton, seuls quelques badauds marchaient à pas lents, et les employés eux-mêmes semblaient s’ennuyer. Kunchen regardait d’un œil distrait les œuvres, qui d’habitude l’auraient surpris et fasciné. Lui qui était toujours prêt à se laisser absorber par les nouveautés auxquelles il était exposé y semblait actuellement hermétique, son esprit visiblement bloqué dans un autre espace.

Là le visage d’un ange baigné de lumière écarta le voile de ses yeux. Son attitude était celle de la surprise, de la pitié, d’une tristesse gracieuse et pure, car elle n’était ressentie que par empathie pour un mortel. Instinctivement la vue du tableau le ramena au visage de Diana. Leurs regards se rencontrèrent et il fut troublé - une fois de plus - par la clarté de ses yeux.

« Raconte-moi l’histoire si tu la connais » dit-il doucement.

Spoiler:
Diana
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Re: heaven's door — diana, posté le Lun 30 Aoû 2021 - 15:23.
Le ciel est gris et bas, pesant de toute sa lourdeur pluvieuse juste au-dessus de leurs deux têtes, quand Kama et Diana s'engouffrent ensemble à l'intérieur du musée de Southampton. La jeune fille s'empresse de retirer manteau, écharpe et bonnet – elle incite ensuite son ami à en faire de même, sinon tu auras trop chaud et en sortant tu vas prendre froid lui murmure-t-elle doucement tout en s'affairant elle-même à défaire les boutons de sa veste.

Une tranquillité morose enveloppe la salle principale. Seules quelques personnes, dont on entend les pas qui faiblement résonnent, déambulent sous les hautes voûtes blanches ; parfois elles s'arrêtent devant une œuvre, chuchotent un commentaire d'un air contemplatif...

Diana attrape son compagnon par le bras, l'entraînant à sa suite. Régulièrement elle le retient afin de lui donner quelques explications, ou bien attirer son attention sur un détail particulier... Elle réalise néanmoins assez vite que, si Kama hoche ou tourne la tête dans la direction indiquée, ce n'est probablement que pour lui faire plaisir. Alors elle soupire, sourit tristement – elle ne lui en veut pas, parce qu'elle sait que quelque chose, en ce moment, le chagrine.

Elle-même, elle n'a jamais perdu l'habitude de fréquenter des lieux de culture – sans doute car elle et sa sœur y ont été sensibilisée dès le plus jeune âge. Atia se souvient des nombreux vernissages auxquels ses parents étaient invités – ces soirées-là l'angoissaient terriblement. Elle allait d’œuvre en œuvre, retenait compulsivement les titres et les dates, observait et étudiait avec une rigueur maladive ; et ensuite il fallait digérer et recracher tout cela d'un air docte, d'un ton humble… Elle a dû réapprendre, par la suite. A apprécier les arts d'une façon purement égoïste et intime. A admirer les tableaux, les sculptures... pour ce qu'ils font vibrer en elle, plutôt que pour trouver quelque chose d'intelligent à en dire.

Ironiquement, néanmoins, lorsque Kama lui demande de « raconter l’histoire », son esprit a pour premier réflexe d’ouvrir l’intangible encyclopédie de sa mémoire pour en feuilleter les pages avec l’empressement de la bonne élève qui veut donner la bonne réponse – la réponse documentée, pertinente. Savante.

« Eh bien, c’est un tableau d’Edward Burne-Jones, qui est un peintre très important du XIXe siècle, il est notamment connu pour... »

Diana se tait soudain. Elle pourrait encore énoncer un grand nombre d’informations – lui expliquer son rôle dans le mouvement préraphaélite, ce qui l’amènerait naturellement à définir cette esthétique… mais elle ne répondrait pas à la requête de son ami. Se mordillant songeusement la lèvre, elle se détourne de lui afin de scruter le tableau.

Les arts, appréciés pour eux-mêmes, pour ce qu’ils remuent en Soi, ont quelque chose de terrifiant.

« L’histoire… murmure-t-elle d’une voix incertaine. L’histoire est très longue. Et je ne la connais pas dans tous ses détails… mais je peux te raconter ce que je sais. »

Elle observe la figure laiteuse de l’ange qui se dresse du côté droit de la scène puis, suivant son regard perplexe, elle reporte son attention sur la figure étendue à l’opposé. Lancelot. Un morne sourire tremblote au bord de ses lèvres. Amoureux condamné parmi tant d’autres.

« Est-ce que tu connais la légende du roi Arthur et de la quête du Graal ? »


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