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Hammer Hunting — Hammer [CLOSED]

Abbey
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Hammer Hunting — Hammer [CLOSED], posté le Mar 18 Aoû 2020 - 21:16.

Hammer Hunting — Hammer [CLOSED] Original
♬♬

Une énième journée de dure labeur qui s'achève pour Abbey. Le jour décline et éclabousse de rouge et d'orange les fenêtres et le jardin de la Wammy's House. Les couloirs sont vides car il est l'heure du diner. La vieille dame a rangé ses ustensiles de ménage et congédié les petites mains sous ses ordres et effectuant chaque jour les tâches de l'ombre pour que l'orphelinat soit cet endroit propre que l'on aime à troubler.

Un instant, son regard s'attarde vers le jardin. Imperceptiblement, Abbey ralentit le pas pour mieux observer Mhing travaillait avec amour les rosiers. La lumière vespérale embrase les pétales blancs des fleurs et encore une fois, la gouvernante se prend à s'émerveiller devant l'éphémère beauté du cadre de l'orphelinat. Après tant de décennies, elle devrait y être habituée et pourtant à chaque fois l'inattendu sait sublimer un petit rien.

Abigail étouffe un sourire et accélère le pas. Un air de Who au coin des lèvres.

Au lieu d'aller à la cantine, Abbey effectue un dernier tour avec son zèle coutumier. My Fair Lady avec une tasse de thé se mérite.

Soudain, un bruit et un raie de lumière derrière la porte de l'infirmerie éveillent sa curiosité.

« Qui est là ? »  

Elle toque une fois puis ouvre la porte.
Hammer
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Re: Hammer Hunting — Hammer [CLOSED], posté le Lun 24 Aoû 2020 - 14:05.
Cette nuit encore, il sent des ongles lui entailler le torse, lui écarter les côtes et une boule de froid et d'obscurité élire domicile parmi ses entrailles. J'ai froid, fait une voix à l'arrière de sa tête, j'ai froid répète-t-elle alors qu'il se noie dans le noir.

Hammer reste immobile et écoute sa propre respiration tandis qu'il essaie d'apaiser les battements de son coeur. En louchant sur son torse, il lui semble percevoir les coups exagérés donné par l'organe. Il déglutit brusquement, comme s'il s'apprêtait à vomir, et il est sûr qu'il vomirait un marasme noir, mais se contente de se redresser brutalement pour allumer sa lampe de chevet.

La lumière orangée le rassure presque immédiatement, mais il plonge son visage contracté dans ses mains aux doigts écartés.

Le voilà qui a peur du noir.

Alors il respire, lentement, il compte ses inspirations, lentement, jusqu'à ce qu'il cesse de trembler et que le sang arrête de battre à ses tempes. Il sent ses cils caresser l'intérieur de ses phalanges et cette sensation achève de l'apaiser tout à fait. Finalement, il tend les mains devant lui jusqu'à ce qu'elles arrêtent de trembler.

Tout va bien.
Et il soupire, parce qu'il ment.

Et la journée de cours passe dans un bruit blanc, une fièvre derrière ses yeux bruns.

***

Hammer jure entre ses dents en regardant le gobelet en metal rouler en un demi cercle sous une des tables de nuit. Ses mains tremblent et s'agitent inutilement, tendues comme pour rattraper l'ustensile depuis longtemps hors de sa portée.

Et il renifle brusquement, la morve au nez, l’œil humide. Et son cerveau dans du coton analyse toutefois les symptômes du manque tandis que sa jambe malade tremble encore.

Ses mains sont si moites qu’il peine à maintenir la préhension sur sa canne. Il se mord la langue pour se redonner du courage, cherchant encore des yeux dans l’armoire habituellement sous clé qu’il vient de forcer, la tenaille posée à côté de lui.

Il n’a pas entendu toquer, mais quand la porte s’ouvre derrière lui, il fait volte-face, le sang quittant brusquement son visage. C’est la voix d’Abbey qui achève de pâlir sa face.

Il ouvre stupidement la bouche, recule jusqu’à cogner les portes grandes ouvertes derrière lui.

La main dans le sac.
Dans son cerveau abruti, aucun mensonge en réserve.

– J-j-j’allais partir.

Et il fait mine de vouloir sortir, s’appuyant exagérément sur son orthèse de bois.
Abbey
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Re: Hammer Hunting — Hammer [CLOSED], posté le Lun 31 Aoû 2020 - 21:03.

Si il y a bien une chose qu’Abbey n’oublie jamais c’est l’arrivée de chaque orphelin. Ces imperceptibles riens toujours signe de blessures visibles et invisibles que les tourments de la vie impriment à vif dans la chair de ces gosses.
Toujours son cœur se serre, ronge sa douleur, ressasse une violente injustice de voir ces traces et séquelles dans la vie déraillée de ces surdoués laissés sur le quai de gare des Sans-Famille. Même après trente ans. Même dans cinquante ans.

Jamais ses os ne s’habituent à cette douleur.
Jamais elle n’oublie leur premier jour.

Car, désormais elle les a dans la chair. Ils la rendront chèvre, seront des petits diables, des crèmes, des problèmes, des pleurs, des colères, des paumés, des souffrances...mais toujours des enfants, des espoirs et des promesses. Pour eux, elle aura toujours assez de sermons, de conseils, d’histoires du soir, de colère, d’inquiétude, d’attention, d’écoute. D’amour.

Abbey ne reste pas pour son amitié cabossée avec Quilish et Roger. Encore moins pour L - bambin dont elle connaît les joues rondes - et cette infâme histoire succession. Elle reste pour ses orphelins, aux anciens et à tous les futurs. Parce que les abandonner serait mourir un peu.

La vieille dame se souvient bien de la première fois où Hammer a foulé le sol de la Wammy’s House. Une claudication à contretemps de bois et d’insolence. De l’effleurement de sa souffrance elle n’a fini par en voir que l’insolence et une colère hargneuse jetée au visage du premier venu. Et si il y a bien une chose qui insupporte Abigail c’est l’insolence. Depuis qu’elle lui a fait manger la serpillière (littéralement) et obligé à nettoyer les paillasses du laboratoire, Hammer craint Abbey et cette dernière s’accommode de cette distance froide entre eux. La rancune est aussi tenace chez elle.

Pourtant, ce soir quelque chose ne va pas. Elle remarque la sueur et les yeux voilés de larmes. La pâleur et la fatigue sur le visage d’Hammer. La tenaille encore entre ses mains.

Ses sourcils se froncent en même temps que ses rides se creusent d’inquiétude. L’absence de répartie aiguisée de l’Expert achève de la troubler. Aussitôt, Abbey bloque la porte de son corps et s’avance pour mieux la fermer et faire reculer l’adolescent.

« Je peux savoir ce que tu étais en train de faire ? »  

Hammer la dépasse d’une bonne tête mais elle ne faiblit pas et lui décoche un regard sévère. Intérieurement, c’est l’angoisse.
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Re: Hammer Hunting — Hammer [CLOSED], posté le Sam 10 Avr 2021 - 19:33.
Il y a l’accusation immédiate.
Il y a le regard effrayé en face de lui.

Et c’est un peu trop, ce soir. De toujours être le grand méchant. D’être celui qu’on regarde de travers dès que quelque chose va mal. Alors oui, il y a la culpabilité qui rampe au fond des os. Parce qu’après tout, c’est vrai qu’il fait quelque chose d’interdit.

Et pourtant, ces mots sont comme autant de coup de poignard sans son torse qui reste parfaitement immobile pendant qu’elle parle. En apnée, il l’écoute, il la regarde, sans un geste de plus, et elle fait barrage de son corps. Sans le vouloir, il se remet à respirer, trop vite, trop fort.

Ce n'est qu'une peine de cœur, somme toute, quand on déçoit les siens. Parce que ces gens sont censés être les siens, mais qu’il a brûlé sa propre place parmi eux, et qu’il le paie chaque jour. À l'échelle de l'humanité, ce n'est rien, ça peut se réparer. Mais Hammer n'a pas ce recul, l'idée que ça va passer, que c'est souvent normal, naturel, commun. Qu'on en guérit, comme d'une mauvaise grippe. Et il se sent seul.

Il se sent seul alors que c'est lui-même qui repousse les gens des deux mains, qui s'applique à maintenir un périmètre de sécurité autour de lui.

Mais quand il croise son regard fébrile dans le reflet d’un bescher, il se dit qu’il ne mérite pas mieux. Le mieux, c’est pour les autres. C’est pour End qui était comme lui en arrivant et qui a grandi. Le mieux c’est pour Shark qui s’ouvre aux autres et réapprend à sourire sans lui. Mieux. Et que Hammer n'a rien de mieux à proposer. Et sa vie d'automate le tue progressivement.

Il dort à peine.
Il travaille.
Il attend.

Parfois il déjeune, souvent seul, parfois avec son colocataire. Il ne dîne plus pour éviter les gens. Et les jours se suivent, se ressemblent. Et il essaie, à sa façon, de se reprendre, par le biais de la rééducation qui le frustre parce qu’elle est inutile, par ses travaux de biochimie qui l’occupent pendant des heures.

Et il refait des crises d'angoisses. Des cauchemars d'enfant. Il s’isole davantage parce qu'il sent qu'il va craquer, briser son ordinateur sur l'un des murs de la salle de classe, encore. Et les gens demandent si ça va. Oui, oui ça va. Ça va toujours. On reste raisonnable, on sourit d'un air contrit, on ravale un geste vulgaire, on fait mine de s'étonner de sa propre perte de poids.

On fait semblant de faire partie du même monde, de rentrer dans le cercle, de mener la même vie que les autres alors que la vie elle-même semble vouloir t'évacuer comme une anomalie.

Dors.
Travaille.
Attends.

Et parfois t’aura l’impression d’être mort avant même d’avoir commencé à vivre.

– À vous de me le dire. Je suppose que vous avez déjà prévu la punition, hein ?

Et il tend les mains jointes devant lui, comme s’il s’attendait à ce qu’elle lui passe les menottes, son sourire en coin révélant une canine. Il laisse tomber sa canne qui rebondit quelques fois sur le sol carrelé de l’infirmerie, et c’est étrange de la voir tomber, comme un abandon définitif.
Abbey
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Re: Hammer Hunting — Hammer [CLOSED], posté le Lun 12 Avr 2021 - 12:44.

« Bon sang mais tu es impossible ! Un vrai Calimero ! » riposte brusquement la vieille femme devant la réaction d’Hammer.

La sécheresse de ses mots est bien plus dictée par la crainte qu'une volonté de blesser mais certainement qu'elle lui a un peu fait mal mais l'instant lui semble si ridicule. Ridicule de douleur et de gâchis. Pourquoi faut-il qu'ils souffrent toujours plus ? Pourquoi faut-il que chacun s'inflige de nouvelles blessures ? Pourquoi toujours ce sentiment d'impuissance coincé en travers de la gorge ?

Elle l’attrape par les épaules et l’assoie sur le premier lit, l’urgence et l’inquiétude dirigeant les moindres de ses gestes. Elle lui prend le pouls, passe une main sur son front, regarde ses pupilles. Les signes ne semblent pas être ceux de l’amphétamine. Abigail les connaît bien. Impossible de les oublier quand on a passé son adolescence avec les Mods et encore moins quand on s’occupe depuis plus de trente ans d’adolescents. Surtout depuis l’expérience d’End. En outre, le personnel connaît les grandes lignes du dossier médical de l'Expert mais en vrai chat sauvage, il rend impossible toute approche et pire se complet dans le mauvais rôle pour mieux épargner ses plaies.

Un soupir s'heurte à ses dents, elle passe une main sur la joue d’Hammer et le force à la regarder.

« As-tu pris quelque chose ? »

Nul jugement ou désapprobation. Le plus important c'est de l'atteindre. Qu'importe si il la mord ou la griffe. Elle ne le laissera pas. Aucun d'eux. Qu'on l'en traite de vieille chouette ou de sotte sénile.

Le regard d’Abbey se dirige vers le placard puis scrute de nouveau le visage de l’orphelin. Elle pose sa main sur la sienne et sa voix tremble un peu d'émotion :

« Si tu ne me dis rien, je ne pourrais pas t’aider, tu le comprends ça ? »

Hammer
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Re: Hammer Hunting — Hammer [CLOSED], posté le Ven 16 Avr 2021 - 13:20.
Les yeux écarquillés, il se laisse faire, trop étonné pour se débattre. Il frémit à chacun de ses contacts qui le dégoûte. Qu’on le touche, qu’on le manipule, qu’on prenne ses aises sur son corps. Ça l’emmerde.

D’un geste brusque du menton, il se dégage de la main caressante de la femme en face de lui. Hammer a bien compris qu’elle cherche à établir des symptômes, et un rire amer vient se bousculer à ses lèvres.

– As-tu pris quelque chose ?
– À votre avis ? Vous connaissez pas mon dossier ? Faut mieux faire vos devoirs.


Bien sûr qu’elle l’a lu. Mais personne ne sait qu’il troque, ment, extorque à tout va pour obtenir toujours plus de codéine. Ou parfois, il a si mal que le personnel soignant lui en donne de lui-même. Mais personne ne sait non plus que désormais la douleur est une émotion plus qu’une sensation, qu’il ressent le manque si les prises ne sont pas assez proches.

Et depuis une journée, il n’y a plus rien à gober ou à croquer.

Il sursaute quand il sent la main douce sur la sienne et la dégage comme s’il venait d’être brûlé. Aussitôt ses sourcils se froncent, habillent ses yeux bruns de feu. Hammer ne peut pas comprendre la douceur, et en grande partie parce qu’il est persuadé que toutes les femmes sont des traîtresses et des putes, la douceur une faiblesse, l'empathie inexistante.

– Vous pensez que vous f-f-faites quoi là ?

La bile entre les dents, il essaie de se relever, de partir, de couper court à ce que peut bien être cette incompréhensible prise d’otage.

Mais il retombe en gémissant, plié en deux sur sa jambe. En continue, il jure entre ses dents, se balançant d’avant en arrière. Son bégaiement s’accentue quand il poursuit :

– J-j-je veux pas que vous m’aidiez.

Il a envie de lui cracher à la gueule pour qu’elle comprenne qu’il n’est pas l’une de ses ouailles, rien qu’un autre gamin cassé et irréparable. Mais avec son restant de morgue, il se contente de cracher entre les pieds de l’intendante. Et il a envie de rire tant il est pathétique, tandis que sa gorge se sert.
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Re: Hammer Hunting — Hammer [CLOSED], posté le Jeu 22 Avr 2021 - 2:58.

Au début, elle laisse couler l’insolence d’Hammer parce qu’il y a plus urgent, bien que l’envie de lui en coller une lui effleure l’esprit. D’un côté, elle en rirait presque si la situation n’était pas aussi inquiétante. Au moins, il retrouve du mordant, son état ne doit pas être si grave que ça.

La rage assombrit le visage d’Hammer jusqu’au doré de son regard. Abbey ressent le dégoût du gosse glisser sur sa peau comme de l’eau sur des plumes. Il croit lui faire peur ? La consumer de cette haine dont il déborde, implose et ne sait plus contre qui la diriger parce que vivre avec soi-même est un si grand supplice ?

« Vous pensez que vous f-f-faites quoi là ? »
«Je ne sais pas. C’est toi le surdoué, non ? »

Retour de croc à la précédente pique. Les sourcils d’Abbey s’haussent d’un dédain sévère - presque amusé - alors que l’inquiétude voile toujours ses yeux gris. Et tout son visage parle pour elle seule, pour mieux confronter Hammer à sa propre connerie enfantine.

Crois-tu que je ne suis pas passée par là ?
Crois-tu que tu es le premier ?
De tes épines pour mieux repousser la solitude, j’en connais les détours et chaque orphelin en est bardé. Même les adultes.
Voilà ce qu’elle lui dit alors qu’il s’écroule de douleur et de fierté.

« J-j-je veux pas que vous m’aidiez. »
« Tu n’as jamais voulu qu’on t’aide. Sinon tu n’en serais pas là. »

L’évidence est claquée au visage en même temps qu’Hammer crache sa glaire au pied de la vieille femme. Elle pourrait en sourire tant la situation est en funambule entre le ridicule et le pathétique. Elle pourrait aussi lui dire de nettoyer comme les dernières fois où ils se sont chamaillés et qu’il lui a fallu sévir.
Cependant, Abbey s’accroupit, le prend par les épaules pour qu’il relève la tête et la regarde :

« Allez, crache-moi au visage. Si ça peut te faire du bien, va-s-y. Tant qu’on ressent quelque chose pour toi, même si c’est négatif c’est suffisant, c'est ça ? »

Hammer
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Re: Hammer Hunting — Hammer [CLOSED], posté le Jeu 22 Avr 2021 - 20:09.
Il dévisage rarement les gens, comme s’il s’agissait là d’une trop grande proximité. Pourtant, ce soir, il ne peut pas détacher son regard des expressions d’Abbey. Il n’arrive à en lire aucune : l’inquiétude, l’envie sincère d’aider, tout cela lui est inconnu. Il ne voit que le dédain, le refus de lui céder. Son propre visage se contracte et il baisse la tête.

C’est étrange de sentir les mots durs s’entrechoquer dans une vérité tonitruante. Hammer marque un silence, et tout paraît s’apaiser pendant ces quelques secondes, sauf la douleur qui toujours palpite au creux de sa cuisse. Puis tout recommence crescendo.

– Stop.
– Allez, crache-moi au visage. Si ça peut te faire du bien, vas-y.
– Arrêtez ça.
– Tant qu’on ressent quelque chose pour toi, même si c’est négatif c’est suffisant, c'est ça ?
– Fermez-là
!

Mais le cri d’apothéose reste bloqué, c’est un rugissement de tigre de poche, seulement, dans sa gorge qui continue à se resserrer. Il sent les larmes traitresses se bousculer sous ses paupières, et il veut tourner la tête pour les ravaler, mais il les sent brûler la peau de ses joues et sa vue se brouiller autours des rides d’Abbey.

– P-p-pourquoi vous faites ç-ça ?

Et c’est sa vraie voix d’enfant.

– Pourquoi vous me faites ça ? J-j-j’ai mal, je veux juste m-mes médicaments.

À nouveau il se balance d’avant en arrière, scandant j’ai mal j’ai mal j’ai mal. Et c’est vrai : la douleur rampe, tire les fils de ses nerfs, plante ses crocs dans la partie de son cerveau responsable. Mais elle est fantôme et navigue désormais indistinctement dans le bas de son dos, son genoux. Toute la partie droite de son corps est comme contaminée, bonne à jeter. Et il sait que c’est de sa faute, pour avoir cherché à fuir la vraie douleur.

S’il avait été dans son état normal, Hammer l’aurait bousculé, rit au nez. Ou alors, il aurait joué de son affection pour obtenir ce qu’il voulait. Mais à quinze ans à peine, les paroles d’Abbey ont appuyé là où ça fait mal.

Sait-elle qu’il cherchait sa mère, systématiquement, sans l’avoir jamais connue, dans les gradins, quand il participait à une compétition ?

Sait-elle que son estomac se contractait de joie quand ses tuteurs devaient venir le chercher à l’infirmerie parce qu’il s’était battu ?

Connaît-elle cette sensation de victoire douce amère quand le poing de l’autre s’écrase sur son visage et qu'on paie enfin pour tout ce qu'on a bien pur faire subir aux autres ?
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Re: Hammer Hunting — Hammer [CLOSED], posté le Ven 23 Avr 2021 - 23:13.

C’est la première qu’elle voit Hammer enfin s’effondrer. Il ne pleure pas à cet instant. Il s’effondre, s’effrite, se noie de chagrin.  De douleur. De peur. De solitude. Après lui avoir jeté sa haine friable au visage tandis que ses yeux se brouillaient un peu plus de souffrance et de larmes.

Disparu l’adolescent odieux et gorgé de colère envers le monde et lui-même, Abbey découvre l’enfant qu’il est réellement. Ce mioche ingrat mais si terrifié de ses propres émotions et de ses faiblesses. Le jeu est fini, ne reste que la vérité toute crue.

Aussitôt, elle se lève et regarde dans le placard. La présence en grand nombre de codéine lui confirme que c’est bien ce médicament qu’Hammer cherchait. Elle prend une boite puis trotte vers le petit frigo et les placards suspendus.

Le verre heurte le sol et son bruit ricoche dans le silence ouaté de l’infirmerie, éraflé des sanglots de l’orphelin. Elle le prend par les aisselles et le soulève tant bien que mal parce qu’il n’est plus un enfant mais elle constate juste dans un souffle :

« Tu as encore maigri. »

Abbey l’assoie sur le lit, essuie ses yeux et lui colle un mouchoir sur le nez.

« Allez, souffle un bon coup, mon grand. Sors tout ce que tu as. »

Sans perdre son sang-froid, elle ramasse le verre d’eau et lui glisse une gélule dans la main. Toujours de cette prévenance un rien sèche, la vieille femme l’invite à boire doucement ( « Une seule d’accord ? » ) sans cesser de caresser doucement son dos pour l’encourager et le réconforter :

« Ça va aller. C’est rien. Ne t’inquiète pas. Je suis là. »

Hammer
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Re: Hammer Hunting — Hammer [CLOSED], posté le Lun 26 Avr 2021 - 21:20.
Encore et encore. Encore et encore. Il s'entend sangloter, il sent sa gorge se déployer en un immense gémissement, trop gros pour lui, trop grand pour eux, qui l'avale tout rond et le recrache sans le digérer. Hammer se dégoûte, il s'échoue dans ses propres larmes et il sent sa peau se soulever, la chaire de poule habiller sa peau d'horreur.

Elle le touche encore, elle aplatit ses épis, vient lisser ses expressions de douleurs. Qu'on le laisse s'écorcher vif.

– Ne me prenez pas p-p-pour un con.

Elle l'essuie, le materne, essaie de reconstituer ses éléments disparates.

– Putain, est-ce que j'ai un foutu signe dans le dos qui dit "sauvez-moi" ?

Il ne croit pas si bien dire. Et il aurait aimé hurler, et ça s'entend dans les consonnes de son murmure qui se bousculent sur ses dents serrées. Il gobe docilement le médicament qui tombe comme l'ultime pierre sur sa tombe au fond de sa gorge, abimée par sa propre bile.

– Foutez-moi la paix putain.

Et il appuie son front contre la frêle épaule d'Abbey et ferme ses yeux qui ne laissent transparaître que la haine et la défiance. Il ferme les yeux sur ces bobards qui constituent son être, il clos les paupières sur ce personnage de grand méchant qu'il s'est inventé.

– Ne me prenez pas pour un con.
Abbey
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Re: Hammer Hunting — Hammer [CLOSED], posté le Jeu 6 Mai 2021 - 18:44.
Rien n'est plus douloureux pour Abbey que le chagrin d'une de ses têtes blondes. Ils sont ses enfants, ses petits-enfants, une chair étrange sans lien sans sang...Hormis cette affection vivace et brute pour chaque orphelin franchissant le seuil de la Wammy's. Les années pour ciment à apprivoiser ces mille petits renards qui deviendront unique au monde. Peu importe si ils ne lui rendent pas tous.

« Ne me prenez pas p-p-pour un con. »

La sauvagerie de Hammer persiste encore mais ces morsures ont les accents de feulement noyés de sanglots. Plus il se dérobe et plus sa carapace s'étiole. Elle le laisse pleurer, s'emporter, repousser sans jamais cesser de l'écouter. La moindre parcelle en geste et regard prodiguant une présence qui brûle Hammer et l'âme d'Abbey avec.

« Putain, est-ce que j'ai un foutu signe dans le dos qui dit "sauvez-moi" ?»

Car rien n'est plus douloureux que les larmes d'un enfant.

Parce qu'elles sont toujours les raisons qui l'empêchent de partir, d'écouter son éthique devant cette compétition abjecte, de franchir le vieux portail et les laisser tous. On peut l'en traiter de puérile, d'égoïste, de vieille chouette gâteuse parce qu'en ont-ils à faire de cette vieille dame intrusive tous ces orphelins ? Même les adultes. Fait-elle réellement la différence pour que sa présence leur apporte une chaleur aussi minime soit-elle ? Est-elle si importante devant toutes ces têtes bien pleines ?

« Foutez-moi la paix putain.»

Sa vue se brouille au ressac de ses propres blessures en écho à celles d'Hammer. Sa tête heurte son épaule et achève de détruire le cœur de la vieille dame. Doucement, Abbey pose ses bras autour du dos de l'adolescent, effleurant juste son corps frêle par crainte qu'il ne s'envole et pour le préserver de la chute.

« Ne me prenez pas pour un con. »
«Tu iras loin, Hammer. Peu importe où et comment mais tu réussiras. J'espère que je casserai pas ma pipe avant de te voir rire au nez de tous les cons et démons qui te terrifient.»

Rares sont ceux qui peuvent se vanter d'avoir entendu Abbey jurer. Quasiment personne de cette voix douce écorchée par l'émotion.

Peut-être est-ce des chimères qu'elle lui promet mais elle y croit. Parce qu'elle sait que la vie est faite d'imprévus, de séparations, d'échecs...mais elle a appris à recommencer, à accepter les pires douleurs comme les plus belles joies. Quilish et Roger sont de ces joies et de ces douleurs. Wammy's aussi. Chaque rencontre entre les murs de ce vieil orphelinat. Et Abbey sait que tous ceux qui y ont laissé une empreinte ont su s'en sortir. Peut-être pas tous. Peut-être pas encore. Mais elle sait qu'ils arriveront à trouver leur propre chemin quand bien même tout semblait obscur au pire de leur vie.

Elle veut encore croire que c'est aussi à ça que sert la Wammy's. Cette vieille bâtisse l'ayant tant déçue mais dans laquelle elle restera jusqu'à ce que probablement sa vue devienne sombre et sa mémoire s'efface et qu'on la cale dans un mouroir où aucun d'eux ne viendra la voir...ou peut-être que si. Et alors tout cela aura eu un peu de sens.

« C'est toujours sombre avant l'aube.»
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Re: Hammer Hunting — Hammer [CLOSED], posté le Mar 15 Juin 2021 - 21:01.
C'est peut-être la codéine qui imprègne son sang, c'est peut-être les bras légers autour de lui. L'une ou l'autre délimite ses contours,  nourrit le feu en lui avec quelque chose d'autre que du dédain.

Il n'y a plus de larme, plus de bile. Juste un vertige lent et abruti par la drogue, qui remplace la palpitation au creux de sa jambe.

C'es peut-être trop peu, trop temporaire.

Et pourtant c'est le gros mot qui le fait ricaner doucement tout contre elle. C'est ce gros mot du bout des lèvres qui lui fait finalement comprendre qu'elle ne lui veut que du bien.

– Crevez pas trop vite la vielle.

Et son petit rictus perdure quand il s'endort contre elle, les yeux marqués, la fatigue au fonds de ses os trop jeunes.

Le lendemain, tout sera pareil en apparence. Il se réveillera seul, mais avec un verre d'eau fraîche à côté du lit de l'infirmerie. Quand il s'assiéra, les muscles encore courbaturés et la bouche pâteuse, il n'y aura pas d'illumination, de changement flagrant, de réalisation dramatique.

Seulement un peu moins de solitude.
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Re: Hammer Hunting — Hammer [CLOSED], posté le .

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